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Découvrez dans cet espace,votre nouvelle rubrique intitulée « Le Billet de Baaba ». 

Il s’agit ici d’un regard personnel, souvent décalé et critique, relatif à l’actualité politique, culturelle, cultuelle et économique au Sénégal en Afrique.

N’hésitez pas de nous faire part de vos  feedbacks.

Le billet de baaba de la semaine

Mieux poser la question de nos langues maternelles nationales !

 

Suite au constat, de fait, que nos langues maternelles nationales sont injustement écartées de la conquête du Savoir, dit « scientifique ». Et,  qu’en conséquence, les portes de la modernité sont fermées à leur génie, j’ai eu une discussion féconde avec un de nos compatriotes ayant vécu en Indonésie.  Il m’à fait alors découvrir le modèle de politique d’intégration linguistique, mis  au point par les leaders politiques et sociaux indonésiens à l’aube de l’indépendance de l’archipel survenu en 1945. L’Indonésie ayant été sous domination Néerlandaise pendant 300 ans. 3 siècles comme la plupart des pays du Continent africain…

Il m’a expliqué le long  processus ayant abouti à l’adoption de la langue officielle indonésienne, communément appelée « Bahasa Indonesia« . Une langue apparentée à la famille malaise et qui a été portée comme projet de langue nationale par le Congres des Jeunesses nationalistes indonésiennes très tôt, en 1928.

 L’Indonésie, qui compte plus de 700 langues, avec une population de plus de 150 millions d’habitants, avait déjà amorcé un mouvement nationaliste qui a, très tôt, compris l’inéluctabilité de la disparition du néerlandais, en tant que langue de travail dans leur pays. En effet, l’un des premiers chantiers d’une indépendance bien comprise,  c’est bien la réappropriation de l’identité niée et piétinée par le fait colonial ! La question des langues a, de ce point de vue, une importance plus que stratégique ! C’est ainsi que la langue qui a été choisie par l’Indonésie (le malais classique comme base linguistique) avait la particularité de ne pas être la langue, la plus parlée, par la majorité de la population. Le Javanais était, et reste encore, la première langue parlée par  45% de la population. Le malais avait la particularité d’être  le choix le moins partisan, même en étant la première langue que de seulement 15-20% de la population.  Mais elle était, également,  la deuxième ou troisième langue parlée, d’une large frange de la population. L’autre aspect du malais était qu’elle reste la langue la plus répandue dans  la sous-région, de facto la lingua franca de la plupart des pays aux alentours.

Pour arriver à l’adoption du Bahasa Indonesia, un vaste travail préparatoire, en amont,  avait été mené par des experts du pays pendant les 10-15 ans qui ont précédé l’indépendance. Ces experts  ont procédé à l’introduction de nouveaux termes dans la langue traditionnelle, notamment des concepts scientifiques, dont la plupart ont été empruntés aux autres langues du pays, mais aussi et surtout du néerlandais !  Ce qui fait qu’en 1945, lorsque le pays est devenu indépendant, le Bahasa Indonesia a été adopté,  tout naturellement, comme langue nationale, langue d’éducation et de travail. Parallèlement, les autres langues du pays ne seront pas, pour autant, négligées. Une politique de développement et de préservation de toutes les langues est savamment menée pour faire de ce pays un melting-pot de cultures, un univers polyglotte.

L’Indonésie est donc, à plusieurs égards, un exemple inspirant à étudier, et dont la plupart de nos pays africains devraient s’inspirer pour concevoir et mener des politiques linguistiques qui rendent dignité et …justice ( !) à nos langues maternelles. Les mettre en compétition, entre elles, est le piège que le colon a laissé derrière lui pour nous distraire de l’essentiel et retarder notre accession à la science et au progrès ! Nos langues qui sont aussi des lieux de conservation de sagesses, de spiritualités et de Savoirs, doivent trouver leur place d’instruments de conquête et de maîtrise des sciences et des techniques les plus modernes. Pour cela,  une volonté politique forte ainsi qu’un sens élevé du rôle et de la place du patrimoine immatériel dans le développement humain sont indispensables.

Malheureusement,  dans nos pays, les débats cruciaux sont noyés dans la cacophonie des politiciens, prisonniers eux-mêmes, par le temps limité des mandats électifs. Or, il faut une longue perspective historique pour avoir de l’impact sur la vie d’une Nation. Sans compter avec une nouvelle espèce du Web : les activistes et chroniqueurs, spécialistes en tout, et surtout en rien…

Et pourtant ! L’un des apports de l’internet c’est la circulation et la diffusion rapide des connaissances et de l’information. Deux leviers essentiels pour les hommes d’action, les leaders, les bâtisseurs. A la condition de savoir rechercher, au meilleur endroit la meilleure des solutions, plusieurs erreurs d’approche, en matière de conduite des affaires publiques, pourraient être évitées et des débats longs et inutiles circonscrits. Économiquement, plusieurs missions à l’étranger pourraient être, utilement, remplacées par des recherches poussées via internet,  des réunions de haut niveau sur les différentes plateformes, avant d’aboutir à un séjour à l’étranger juste pour du « benchmark » comme on le dit maintenant dans les salons technocrates. Un gros mot pour dire juste : étudier et comparer les expériences ayant réussi ailleurs…

Bref, les ruptures annoncées et attendues doivent, absolument, être amorcées. Les chantiers structurants d’une nouvelle forme de gouvernance doivent être, impérativement, ouverts. Surtout en termes d’approches conceptuelles décomplexées et innovantes.

Notre peuple est revigoré par la première véritable alternance politique survenue dans notre pays. Tous les paradigmes désuets et inopérants doivent être revisités. Tous les possibles doivent être explorés ! C’est à ce prix que nous transformerons, en profondeur, la trajectoire historique qui nous est imposée depuis des siècles !

Des esprits, véritablement entrepreneurs, doivent éclairer les chemins de l’Avenir. Trop de discours désincarnés polluent le débat public et nous confinent dans l’inaction. Il est temps de rendre à la Parole sa vertu créatrice et curative, son sens premier en somme : Tout ne procède t-il pas du Verbe Divin  KUN !

 Alors, Jub ! Jubbal, Jubbanti ! En soi et autour de soi.

 

Amadou Tidiane WONE

 info@amadoutidianewone.com

 

 

 

Amadou Tidiane Wone-atw

Bonjour,

je suis

Amadou Tidiane Wone

Écrivain, éditeur et panafricaniste, je prône une affirmation positive de l’identité africaine par une vision sociale, culturelle et politique d’émancipation des africains. J’oeuvre pour un mouvement qui vise à défendre et à unifier les africains du continent et de la Diaspora en une communauté africaine globale. 

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