Méditations, Ramadan 1443

Amadou Tidiane Wone

Écrivain, éditeur et panafricaniste. Ancien Ministre de la Culture et ancien Ambassadeur du Sénégal au Canada.
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« En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, ceux qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre disant : Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire et Pureté à Toi ! Préserve-nous du châtiment du feu. »

  Le Coran, Sourate Aal-i-Imran, versets 190 et 191

Le mois de Ramadan est propice à un voyage à l’intérieur de soi. Pour faire le point, évaluer la vie parcourue et corriger, vers le meilleur, ce qui en reste. Même si nos pensées ne peuvent capturer le futur, il est de la faculté humaine de se projeter dans l’avenir pour se donner des objectifs toujours plus élevés. Il est également du privilège de l’espèce humaine de se tourner vers le passé pour en corriger les erreurs dans le présent, ou alors consolider les bienfaits acquis. L’espèce humaine tire, de toutes ces facultés, le privilège d’être le vicaire de Dieu sur terre, le dépositaire de Son Secret. Encore faut-il le comprendre et le mériter !

De plus, le Ramadan c’est le mois sacré au cours duquel le Saint Coran a été révélé, pour servir de guide aux croyants. Ce qui en fait le repère intangible, la direction infaillible pour la communauté des croyants, le socle indestructible de leurs convictions intimes. Le Coran est, véritablement, un viatique inépuisable pour les pieux ! Repère intangible et socle indestructible font du Saint Coran un miracle divin indiscutable. En ce qu’il rassemble et soude une communauté humaine, multiraciale et multiculturelle, repartie sur tous les continents.  Etablis dans différents pays, parlant plusieurs langues différentes, les membres de cette communauté de foi se tournent, 5 cinq fois par jour au minimum, vers une seule et même direction : la Sainte Kaaba. Cette communauté humaine, ayant des pratiques et des rites fondamentaux identiques, n’exclut pas, et même affirme une diversité sociale et culturelle extrême. Ce qui en fait un kaléidoscope qui illustre l’universalité de la Foi islamique ainsi que la singularité de chaque croyant. Unité et diversité autour du culte pur dû à l’Unicité d’Allah, Créateur de la mort et de la vie, Maitre du Jour de la résurrection.  Tel est le projet porté et incarné par un homme exceptionnel qui aura marqué, sans conteste et définitivement, l’Histoire de l’Humanité depuis quatorze siècles : Mouhamadou Rassouloulah, Salalahou Alayehi Wa Sallam, Ultime Messager et Sceau des Prophètes d’Allah.

On peut dès lors se demander ce qui pourrait expliquer les contradictions multiples et les tensions aigues qui traversent le monde musulman, face au désordre mondial contemporain ? Quelles sont les causes profondes des divergences entre écoles de pensées et courants spirituels jusque à l’intérieur des frontières d’un pays musulman ? Alors même que le Prophète de l’Islam a recommandé, expressément, de recourir au Coran et à la Sunna, en toutes circonstances, pour se guider et juger des affaires musulmanes ? A y réfléchir de près, l’explication pourrait se trouver dans le premier acte de défiance posé par une créature, en l’occurrence Iblis djinn rebelle, à l’endroit de l’espèce humaine.

Les périls qui menacent l’humanité, et l’impasse vers laquelle nous a conduit la vision occidentale du monde, nous imposent de rechercher les causes les plus profondes de tant de déraison, ailleurs que dans des idéologies qui ont largement contribué à brouiller les cartes.

En vérité, il ne devrait pas être possible de s’égarer en tenant entre ses mains une boussole ! Et quelle meilleure boussole, pour un croyant, que le Saint Coran ? C’est donc sous sa guidée que nous allons esquisser les réflexions qui suivent, glanées au cours de ce mois de pénitence et de méditation.

Le racisme péché originel ?

Question d’autant plus sérieuse que les temps actuels sont lourds de haine sans fards. Les propos discriminatoires et malveillants fusent de partout pour stigmatiser, isoler et minimiser, sur des critères épidermiques, culturels ou sociaux.  

Mais, pour comprendre le racisme et ses méfaits, il faut chercher et déterrer ses racines les plus lointaines. Car, le racisme semble bien être le premier pêché commis par une créature, rebelle à l’ordonnancement de la création par le Créateur ! Bien avant que notre père Adam ne succombât, en conséquence,  au pêché de la pomme ! Allah nous dit :

« Et lorsque nous demandâmes aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent à l’exception d’Iblis qui refusa, s’enfla d’orgueil et fut parmi les infidèles. » Sourate 2 Al Baqara verset 34 :

En effet, lorsqu’il plut au Créateur de se révéler, Il décida de créer un être à son image. Un être intelligent et doué de raison. Une créature apte au discernement, équilibrée au plan moral et mental. Soucieux d’honorer cet être et de l’élever au-dessus de toute Sa création, Il lui donna la meilleure des formes avant de lui insuffler de Son Esprit. Puis Il donna l’ordre à toute la création de se prosterner, pour acter et reconnaître la suprématie de l’homme sur toutes les créatures. Et c’est à cet instant que se produisit l’irréparable, l’acte premier de la tragédie de la condition humaine : la rébellion de Shaytan ou Iblis, Djinn déchu depuis de La Proximité et condamné à l’errance et à la malfaisance… Le Saint Coran nous raconte par le menu cette séance solennelle en ces termes :

« Alors, les Anges se prosternèrent tous ensemble,
excepté Iblis qui refusa d’être avec les prosternés.
Alors [Allah] dit : « Ô Iblis, pourquoi n’es-tu pas au nombre des prosternés ? « 
Il dit : « Je ne puis me prosterner devant un homme que Tu as créé d’argile crissante, extraite d’une boue malléable ».
 Et [Allah] dit : « Sors de là [du Paradis], car te voilà banni !
Et malédiction sur toi, jusqu’au Jour de la rétribution ! « 
Il dit : « Ô mon Seigneur, donne-moi donc un délai jusqu’au jour où ils (les gens) seront ressuscités ».
 [Allah] dit : tu es de ceux à qui ce délai est accordé,
jusqu’au jour de l’instant connu » [d’Allah].
 Il dit : « Ô mon Seigneur, parce que Tu m’as induit en erreur, eh bien je leur enjoliverai la vie sur terre et les égarerai tous,
à l’exception, parmi eux, de Tes serviteurs élus. »
– « [Allah] dit : voici une voie droite [qui mène] vers Moi.
Sur Mes serviteurs tu n’auras aucune autorité, excepté sur celui qui te suivra parmi les dévoyés.
 Et l’Enfer sera sûrement leur lieu de rendez-vous à tous. » 
Le Coran, versets 30 à 43 Sourate 15

 Ainsi donc, le racisme et le péché d’orgueil qui le sous-tend, semblent être à la base de la malédiction suprême pour l’homme, La source de tous nos malheurs ! Ce dialogue, entre Le Créateur et l’une de ses créatures les plus viles, montre au demeurant, la reconnaissance par Allah au droit de se défendre. Celui d’être entendu avant d’être condamné. Même maudit, Iblis a revendiqué des droits et la juste rémunération des ses siècles de soumission et de servitude à l’Ordre divin… Il perçoit à ce jour encore, et jusqu’au jour de la résurrection, les dividendes de ses services antérieurs… Belle leçon pour nous humains qui refusons le droit à la liberté d’expression à nos semblables !

Qu’est-il donc arrivé à Shaytan pour se retrouver dans cette position de défiance ? Pour qu’il se retrouve dégradé, de sa position privilégiée, au rang de créature réprouvée, bannie, condamnée à semer le mal, la discorde, la haine et le malheur ? Jalousie, péché d’orgueil, racisme ? Il y a de tout cela en même temps ! Car, visiblement enivré par un complexe de supériorité débordant,  Iblis a succombé à la vanité de la haute idée qu’il se faisait de lui-même. Cette tentation est, de nos jours, identifiable dans les relations humaines et internationales…

A notre époque où le racisme n’est plus honteux mais gagne de plus en plus droit de cité, il est urgent d’interroger cette séquence historique qui, quant au fond, a inspiré et justifié les pires atrocités humaines, de la traite des esclaves à l’holocauste juif. Sans compter les discriminations raciales les plus violentes et celles liées aux castes et autres catégories sociales qui condamnent, par la naissance, à être confiné au bas de l’échelle de la société. Et pourtant, depuis quatorze siècles le Prophète de l’Islam nous a transmis les consignes d’Allah Soubhanahou Wa Taala : 

« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur. » Le Coran, verset 13, Sourate 49

Ce verset établit que le programme divin pour l’homme est un projet de diversité culturelle et sociale. Il fait, de la conjugaison des différences, une modalité pour se découvrir mutuellement et magnifier Ce Créateur Sublime, capable de doter chaque être humain d’une empreinte digitale unique. Ainsi, également, chaque être humain est-il dépositaire, à la naissance, d’une parcelle de la Lumière divine. Les meilleurs des uns des autres seront ceux qui en prennent conscience, entretiennent et nourrissent cette flamme intérieure que l’on appelle LA FOI.  L’ascension spirituelle, la perfection des valeurs morales par un effort soutenu et éclairé, sont le véritable objet de notre séjour sur terre, dont la brièveté n’a de sens que si la finalité qui lui est assignée est remplie. Allah nous dit à cet égard :

« Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils m’adorent. » Sourate 51, Verset 56  

Le monde musulman doit se ressaisir et apporter à l’Humanité un nouveau souffle de vie par une meilleure compréhension du sens de notre séjour sur terre et de la finalité ultime de notre création :

« Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire et Pureté à Toi ! Préserve-nous du châtiment du feu. »

Observer l’univers, la multiplicité des espèces et l’harmonie de la création sans se convaincre de l’existence d’une Puissance Créatrice garante de tout cet équilibre est la plus parfaite des ignorances. Ainsi que Iblis s’y était engagé :

« Ô mon Seigneur, parce que Tu m’as induit en erreur, eh bien je leur enjoliverai la vie sur terre et les égarerai tous,
à l’exception, parmi eux, de Tes serviteurs élus. »

Refusons de suivre Iblis et ses suppôts dans leurs promesses fallacieuses. Faisons du Coran notre boussole pour nous guider dans ce monde tourmenté, à la lumière de la Sunna, vers la félicité éternelle.

Ainsi que nous y appellent tous nos pieux devanciers !

À suivre…

Amadou Tidiane WONE

Ancien Ministre

www.amadoutidianewone.com

info@amadoutidianewone.com

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