Dialogue ou monologue ?

Amadou Tidiane Wone

Écrivain, éditeur et panafricaniste. Ancien Ministre de la Culture et ancien Ambassadeur du Sénégal au Canada.

Dans une démarche solitaire insondable, le Président de la République, Macky Sall avance. Seul. Vers la fin de son dernier mandat. Ramant à contre-courant du processus électoral normal et normé qui fonctionne au Sénégal depuis notre accession à l’indépendance, il écrit des pages d’histoire inédites, inattendues d’une personnalité, parvenue au pouvoir par des mécanismes démocratiques éprouvés.

 En effet, quoique ponctué de moments de fièvre, de tensions exacerbées parfois, le modèle démocratique sénégalais s’est construit et amélioré progressivement, par l’engagement sincère d’acteurs politiques mûrs et responsables. Au fil du temps, et à la faveur de crises parfois violentes, des hommes et des femmes, du Pouvoir comme de l’opposition, sont toujours parvenus à dépasser les stratégies personnelles de courte vue, pour mettre en perspective la survie de notre nation. Cela nous a valu des consensus forts sur le Code électoral et sur les principaux mécanismes de conquête et de gestion du pouvoir. Contre vents et marées, le modèle sénégalais s’est affirmé comme une référence à travers le monde, malgré quelques zones d’ombres à éclairer…

Hélas ! En ce début d’année 2024, force est de constater, pour le regretter, que pour la première fois à ma connaissance, un Président de la République sortant aura mis en œuvre des mesures dont le Conseil Constitutionnel, lui-même, aura contesté la légalité. En l’occurrence, le décret présidentiel portant annulation du décret convoquant le corps électoral le 25 février 2024 est déclaré nul et non avenu. Le Conseil Constitutionnel, gardien ultime de l’inviolabilité de la Constitution a dit le Droit. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours.  

Quelles conséquences aurait dû en tirer le Chef de l’Etat ?

Tout simplement, prendre un nouveau décret en tenant compte des jours perdus par son annulation et arrêter une nouvelle date. En lieu et place, le Président Macky Sall s’est engagé dans un baroud d’honneur aux conséquences actuelles graves et à venir insondables.

Au lieu de prendre la pleine mesure des risques imprévisibles qu’il fait courir au pays, le Président se livre à son jeu favori : diviser pour régner ! Au cours d’une conférence de presse taillée sur mesure, Le Président Macky Sall a convoqué la classe politique sénégalaise, la société civile, les chefs religieux, et toute autre personnalité disponible, à le retrouver à Diamniadio pour… dialoguer !  Alors que le seul problème qui se pose est la fixation d’une date pour l’élection présidentielle ! Esquive, contournement de la décision du Conseil Constitutionnel, pied de nez aux 19 candidats qui se sont investis pour satisfaire à toutes les exigences de droit pour figurer dans la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle ? Aucune de ces hypothèses n’honore la fonction présidentielle ! Et il va falloir que le pays se mobilise pour dire NON !

Sur les 19 candidats retenus par le Conseil Constitutionnel seulement deux ont répondu à l’invitation du Président de la République. Toutes les personnalités qui ont rempli la salle ne sont que des figurants dans le contexte d’un débat, entre candidats retenus et Président sortant pour s’accorder sur une date en vue de l’élection présidentielle. Le quorum n’est donc pas atteint ! Le dialogue s’est réduit à un monologue entre alliés. Une distribution minutée de la parole à des inconditionnels et autres partenaires en enfumage ne risque pas de faire illusion. Ce pays vaut beaucoup plus de sacrifices que cela !

Respectons le Conseil Constitutionnel !

Respectons les 19 candidats et les citoyens sénégalais qui leur ont accordé leurs parrainages !

Respectons les convenances républicaines !

« Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir ».

Il est donc temps de se dresser et de dire fermement et résolument :

– Non à une loi d’amnistie qui ne saurait intervenir préalablement à un état des lieux précis de la situation du pays. Aucun crime de sang ne saurait, non plus être absous. Les violences perpétrées sur des citoyens sans défense doivent faire l’objet d’enquêtes sérieuses et des sanctions exemplaires prises.

– Non à un report des élections présidentielles au-delà du 02 avril 2024 !

Ayons le Sénégal à cœur !

Amadou Tidiane  WONE

info@amadoutidianewone.com

www.amadoutidianewone.com

Commentaires

6 Commentaires

  1. Guimzo

    Rien à ajouter. Validé à 200%.TOUT EST DIT…JAJEFFETTI

    Réponse
    • Laobe NDAW

      Machallah vous avez tout dit merci beaucoup
      Amal diam

      Réponse
  2. Ba

    Voilà qui est dit et bien dit
    Félicitations

    Réponse
  3. Makhtar DIOP

    Machallah Excellence
    Toujours au rendez-vous des grands et dignes hommes de la nation qui au détriment de leurs avantages, carrières … disent la vérité au nom de l’intérêt général.
    Merci Excellence !!!

    Réponse
  4. Kader Seck

    Merci de faire entendre votre sage voix. Oui c’est un monologue par pour convaincre mais juste pour faire semblant. En passant, avant d’écouter, et encore moins entendre qui que ce soit, il nous apprends:
    – le scrutin présidentiel est à prévoir avant l’hivernage sans préciser lequel?
    – qu’il partira avant, notamment à la fin de son mandat le 02/04/24 sans nous dire que deviendra la présidence de notre république
    – qu’il soumettra une loi d’amnistie pour les faits en lien avec la politique de 2021 à ce jour. Il ignore les victimes et les résultats éventuels des enquêtes sensées être en cours.
    Le parterre de participants après avoir écouté aurait pu rompre les bancs et disparaître ou prendre à tour de rôle, la parole ce serait parfaitement inutile. La messe a été dite, point final. Ce fut un monologue magistral. Reste à savoir comment il sera entendu pour les opinions nationales et internationales. Déjà des participants lui ont fait comprendre qu’ils ne sont pas en phase avec lui. À cela s’ajoute les principaux concernés par l’élection présidentielle, il n’y que deux qui ont participé et ont exprimé plutôt des opinions divergentes avec lui. Une bonne partie de la société civile et des candidats dits recalés ont brillé par leur absence ou leur silence.
    Il ne reste plus que tous ceux qui ont à cœur de préserver notre démocratie et nos institutions se dressent en unissant nos forces pour s’opposer au sortant. À défaut ce serait lui permettre d’entraîner notre pays dans une crise que nous n’avons jamais connue jusqu’ici. Cela nous en avons surtout pas besoin.

    Réponse
  5. Ndiaye Ibrahima

    Faut néssécesseremt éclairer le peuple et faire le maximum pour laver les tâches antidémocratiques de notre pays aux yeux du monde entier.
    Bien vu,excellence.Vive le Sénégal.

    Réponse

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