L’espace médiatique sénégalais est propice à toutes sortes d’usurpation d’identités. La complaisance des professionnels de l’information et de la communication, voire le laxisme dont ils ont fait preuve, quant à la protection du prestige, des valeurs éthiques et déontologiques de leurs métiers, ont laissé entrer dans la bergerie toutes sortes de loups. Voraces, sans foi ni loi. Au fil du temps, des usurpateurs qui pensent qu’il suffit de parler le plus fort, pour avoir raison, se sont imposés comme les baromètres normatifs de l’opinion publique ! En fait, ils imposent leurs avis et orientent, à leur guise, les tendances de l’opinion du plus grand nombre. La quantité faisant rarement bon ménage avec la qualité, cela aboutit à des plateaux, de télévision et de radio, qui ressemblent plus à un ring où les coups (bas ?) sont donnés à coup de hurlements et de vociférations… J’admire ceux qui peuvent regarder plus de deux minutes certaines « émissions » dont la toxicité explique, largement le niveau de pauvreté morale vers lequel nous plongeons, collectivement.
La question en titre s’impose. Puisqu’il est généralement admis que « qui paye commande », il faut savoir qui paye, comment et à quelles fins. Car, l’information étant un Pouvoir, il est également temps, à l’instar de tous les Pouvoirs de se pencher sur les limites et les conditions préalables d’exercice des métiers qui donnent accès à sa manipulation ! Des sujets touchants aux croyances d’autrui et aux mœurs, ainsi qu’aux valeurs sociales qui cimentent la Nation, doivent être encadrés et les dérives y afférents fortement sanctionnées. L’honneur des citoyens, et leur vie privée, doivent être protégés des langues de fiel destructrices, impunément. La liberté d’expression n’est pas la liberté d’agression ! La tenue et la retenue sont des vertus indispensables pour qui prétend apporter un plus au débat public. Rendre intelligible sa pensée, sans offenser ni nuire à autrui, est le minimum prérequis d’un professionnel de la communication.
Haro donc sur les insulteurs ! Haro sur les mauvais « influenceurs » cette nouvelle espèce dont les prétentions sont circonscrites au nombre de vues sur les plateformes digitales… Ils sont rares, voire inexistants, ceux dont les discours pourraient changer leur quartier…Que dis-je ? Certains n’ont aucune influence dans leur propre maison ! Vanité et prétention ! Mégalomanie et luxure …Les ingrédients d’une société en perpétuelle représentation sont réunis pour faire de l’espace public sénégalais une arène de la déchéance morale où s’affrontent les moins que rien autour de presque rien !
Il va falloir choisir entre regarder et laisser faire ou réagir collectivement !
Au demeurant, combien de sénégalais font de belles choses dont personne ne parle ? Il y’a tellement de réussites individuelles, ou collectives, qui mériteraient notre attention et notre soutien pour produire des leaders qui pourraient tirer votre pays vers le haut ! Il y’a tellement de savants délaissés, au profit de brèves vidéos qui flattent nos bas instincts et nous immobilisent une journée entière ! Nous sommes ainsi littéralement dévorés par les minutes qui s’égrènent …. Inexorablement. Ces moments perdus blanchissent nos cheveux, assombrissent notre vue, bref dévastent notre santé et notre bien-être… Et bienvenue aux fléaux des temps modernes : diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires et que sais-je encore ? Toutes ces malédictions de la sédentarité que favorisent l’irruption et la dissémination du téléphone portable. Le plus grand diffuseur des prêt-à-penser que nous livrent, à domicile, les réseaux dits « sociaux » …Asociaux oui ! Tant les liens humains se désagrègent au gré des algorithmes qui favorisent, ou discriminent, les rencontres en fonction des paramètres et des objectifs du concepteur de telle ou telle application…
Rien n’est gratuit !!! Malgré les apparences. Nos données personnelles font l’objet de transactions fort lucratives. Et nous travaillons…gratuitement pour les fondateurs et propriétaires de Facebook, Tik Tok, Instagram et toutes ces plateformes digitales qui vendent des illusions d’être. En effet, personne n’y publie ses échecs ni ses photos les plus moches : Tout est mis en scène sous ce que l’on considère le meilleur angle pour se valoriser et tromper les autres, en commençant par soi…Fake world ! Et tout le monde sourit de la même manière, une moue universelle est née : les lèvres jointes comme pour poser un bisou sur qui verra passer la photo de quelque part sur les réseaux planétaires…Illusion sur illusion !
Pour revenir à notre réflexion de ce matin, le métier de chroniqueur et tous les sous-métiers dérivés doivent impérativement être normés. A tout le moins des séminaires de mise à niveau, au CESTI ou dans d’autres institutions spécialisées, doivent être exigibles avec des attestations en bonne et due forme. Des modules, sur la déontologie, la précision des faits évoqués à l’antenne qui doivent être vérifiables, le commentaire restant libre. Les limites à ne pas dépasser sur la vie privée d’autrui et, tant d’autres prérequis, pourraient bonifier la qualité du débat public et le rendre plus fécond.
Le statut et les salaires, les conventions collectives et tous les textes réglementaires qui doivent encadrer l’exercice de tous ces nouveaux métiers sont des impératifs de sécurité publique pour nos jeunes nations en construction.
Jub, Jubbal Jubbanti ne doit pas rester un slogan de plus, creux et sans impact sur le réel ! C’est une tâche collective qui nous interpelle… Individuellement !
La victoire du peuple en 2024, c’est aussi celle de l’exigence d’une nouvelle gouvernance qui passera par une remise en ordre, systématique, du chaos consécutif à des années de laisser aller, laisser faire…
STOP !
Baaba
info@amadoutidianewone.com
Merci beaucoup mon frère Baba. Tous nos encouragements.
Eh oui mon Grand, toujours les mots justes et avec élégance pour apporter ta pierre précieuse à notre édifice qu’est le Sénégal
Ceux qui écoutent ta VOIX verront leur VOIE
Merci, Baba pour cet appel à la réflexion.
A mon avis, votre « billet » pose la problématique de Pouvoir-Presse-Liberté de Presse ou liberté tout court. Dans pouvoir, j’entends tous ses modes opératoires, dans ses dérives, ses doutes…dans un contexte de pauvreté avec un exercice de la « gestion de la cite » à reformuler à questionner.
En effet, quand le pouvoir « fixe les règles du jeu », pour la pensée, la réflexion…on est alors en dictature cognitive qui trouve sa légitimité, (effectivement comme vous le dites), dans un écosystème médiatique, qui s’accommode avec les travers des acteurs (entrepreneurs/patrons de presse, politiques, chroniqueurs, Etat….).
L’autre problématique posée est en rapport avec les réseaux, tout à fait en accord avec l’a-sociabilité » induite, je disais que le « mobile money » et whats up, (en plus des embouteillages), ont fini par limiter les relations humaines, abaisser l’humanisation par la « distanciation créée ».
Comment contourner alors, voire se contrôler face aux impacts (réels), mais négatifs, de internet, mais aussi du rouleau compresseur de la mondialisation complexe (sommier du fake world) ? Les maladies que vous citez à juste titre, je les vois (en plus de la question de sédentarité), danss l’alimentation à travers ce qui est appelé « globalisation of Food systems », avec perte de nos normes et pratiques culturelles, en optant pour le burger, le jumbo, le street food… la nourriture d’ailleurs, qu’on n’hésite pas à vouloir standardiser par, le « Planet Diet »…
Revenant à nos chroniqueurs et autres « professionnels des media », payés en espèces ou en nature, qui pourrissent l’espace publique, je questionne leur formation, leurs ambitions, leurs valeurs…
Quand Le General De gaulle a demandé à Hubert B. Mery, des créer le journal le Temps devenu le Monde, il n’a pas sauté sur l’offre, après mure réflexion, il s’est confié par la suite, à un moine avant d’accepter, avec le respect de ses choix, sa biographie en dit long sur la citation » il ne faudrait pas que nos moyens de vivre, compromettent notre raison de vivre ».
Ayant étudiant, fréquenté « la case du CESTI » au temps de Babacar Sine, recevoir, dans cette case le premier exemplaire de « Sud Magazine » des mains de Babacar Toure en présence de Eugenie R. AW, ayant fréquenté Mame Less Dia…on peut faire un benchmarking des « produits » d’hier et de ceux d’aujourd’hui, d’autant plus que derrière les media, de nos jours, c’est le capital, l’argent qui décide (le départ de Alain Foka est révélateur, le contrôle de canal+, un exemple…). La formation, l’éthique. la déontologie, les valeurs…ayant tendance à être insignifiants.
Que faire?
Essayer, de garder sa liberté de choix (sur le plan paradigmatique et idéologique) pour s’informer, contribuer autant que possible à des débats/échanges… positifs et contradictoires, pour la psychè et le soma.
Pas simple aussi!
Enfin, nous vous remercions de cette opportunité de pouvoir, échanger sur un sujet assez préoccupant.
Dr Thiam Ismael
Bonjour Docteur !
Vous avez amplifié ma réflexion sur le sous-entendu de ma réflexion qui pointait essentiellement le système de corruption endémique qui sévit dans notre société et qui gangrène nos médias. En effet, l’expression » porter presse » à l’inverse de » porter plainte » à introduit un dysfonctionnement dans la gestion de nos rapports sociaux et c’est celui qui est capable de payer le plus cher celui qui parle le plus fort qui emporte l’opinion publique ! Cela produit cette race de communiquant appelé » Chroniqueurs » qui sévissent sur les plateformes digitales mais aussi les » UNES » de journaux fantômes qui servent de cheval de Troie à des causes souvent injustes.
Notre société est profondément atteinte par tous les maux que vous décrivez et une thérapie de choc s’impose. Une RÉVOLUTION CULTURELLE qui prenne racine dans une synthèse heureuse entre nos meilleures traditions et valeurs de civilisation, l’islam et la modernité me semble un horizon à défricher. Au plaisir d’en parler de vive voix! Inch’Allah.
Merci d’avoir interpellé notre frère Issa…😊
Merci, Baba
Tout a fait en accord avec vous.
Continuez a echanger vos reflexions de bonnes fractures et pertinentes.
Bien Cordialement