Le temps de la Justice

Amadou Tidiane Wone

Écrivain, éditeur et panafricaniste. Ancien Ministre de la Culture et ancien Ambassadeur du Sénégal au Canada.

On nous parle souvent du « temps de la Justice » pour justifier, bien des fois, la lenteur de l’instruction de plusieurs affaires en souffrance au parquet. Certaines procédures prennent parfois plus d’une décennie d’allers et de retours entre les différentes instances avant d’aboutir. La célérité n’est donc pas signe de bonne justice ! Il est dès lors préoccupant de constater la vitesse d’expédition des affaires à relents politiciens portées devant les cours et tribunaux. Au point de pousser d’aucuns à soupçonner celle-ci d’être sous l’influence de l’Exécutif, dans un contexte déclaré de séparation des Pouvoirs.

Je m’adresse ici, avec la solennité et la gravité requises,  à la Justice de notre pays, et à ses auxiliaires. En vertu de la séparation des Pouvoirs, et au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.

Au vu des menaces qui pèsent sur la Paix sociale dans notre pays, en raison d’une procédure engagée contre un acteur politique significatif, Ousmane Sonko pour le nommer, tout acte d’accélération de la procédure en cours, au détriment de la sérénité du Jugement et  de la prise en compte équitable des droits de l’accusation, comme de ceux de la défense, pourrait être sujette à des interprétations. Fondées ou non. L’atmosphère, de plus en plus pesante qui règne dans notre pays, suffirait à justifier l’exploration de voies d’apaisement et de sérénité. Hors des sentiers battus. Car, il est aussi de l’Honneur de la Justice de pacifier les cœurs et les esprits. Et, par-dessus tout, de garder la confiance des justiciables en toutes circonstances.

Contexte. Nous sommes à moins d’un an de l’élection présidentielle de 2024. Ousmane Sonko est un candidat déclaré. Rien ne s’y oppose à ce jour. Depuis deux ans, il fait l’objet de mesures limitatives de ses droits d’aller  et de venir sans avoir été condamné pour quoique ce soit. Malgré cette situation, pour le moins insupportable, il gère la municipalité qui lui a été confiée par le suffrage universel, installe et développe son parti ainsi que la coalition Yewwi Askan dont il est un membre important. La rentrée de 80 députés de l’opposition à l’Assemblée Nationale, pour la première fois dans l’Histoire du Sénégal, doit beaucoup à son engagement personnel. En raison du travail des membres de son parti, Pastef gagne du terrain et vient de faire une démonstration de force, grandeur nature, à l’occasion du Meeting de Kër Massar. Tenir un procès dans ce contexte pourrait-être interprété,  comme le disent ses partisans, comme une tentative de l’exclure de la candidature à la prochaine élection présidentielle en 2024. Cela ne doit pas être l’œuvre de la Justice, saisie  dans une affaire civile.

Si la volonté réelle est de rendre justice à une citoyenne, qui attend depuis deux ans, rien ne devrait donc s’opposer à ce que le procès se tienne après les élections présidentielles. Aucune urgence,  la concernant,  ne saurait justifier une précipitation aux conséquences incalculables sur le présent et l’avenir de notre pays ! Et si Ousmane Sonko, même devenu Président de la République, était jugé coupable et condamné, toutes les conséquences de droit pourraient en être tirées. En toute indépendance ! Nul n’est au dessus de la Loi, n’est-ce pas ?

 Il faut alors prendre le temps de la Justice ! Ce procès pour être crédible doit, nécessairement, se tenir hors des soupçons qui pèsent sur une instrumentalisation éventuelle des décisions de Justice  pour éliminer un adversaire redouté.

Les voies et les moyens de mise en œuvre de ce dispositif sont à la portée de l’intelligence et des compétences des auxiliaires de la justice du Sénégal. Les acteurs politiques et ceux de la société civile pourraient conjuguer leurs efforts pour calmer le jeu et permettre d’y voir clair afin que la Justice soit… juste !

Par ailleurs, tous les acteurs politiques condamnés pour des faits plutôt discutables, et à peine prouvés, devraient bénéficier de la même dynamique de retour à la sérénité afin que les élections de 2024 marquent le tournant décisif réclamé, à corps et à cris, par la jeunesse de notre pays. Celle-ci,  qui est  appelée à poursuivre la marche de notre nation et à la perpétuer dans la ronde des générations, mérite toute notre attention. Ne l’oublions pas !

Dès lors, nul n’à le droit de sacrifier le devenir de tout un peuple à l’autel d’ambitions personnelles à durée limitée.

Comprenne qui pourra !

Amadou Tidiane WONE

info@amadoutidianewone.com

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