De l’esclavage des Noirs par les Arabes : Éléments de réflexion et interrogations

Scandre HACHEM

Fin observateur de l’actualité nationale et internationale tout en gardant ses idéaux de jeunesse, Scandre HACHEM fut Directeur de bibliothèques en France. Ses activités politiques au sein de différentes organisations lui ont donné une expérience qui en fait pâlir plus d’un. Resté éloigné du pays pendant 40 ans, il retrouve sa terre natale après sa retraite en 2014.

Quelques  études et de nombreux échanges sur les arabes et l’esclavage des noirs ont cours depuis quelques années. Tenons pour acquis de façon claire et nette la condamnation radicale de celui-ci comme de tout esclavage afin d’évacuer tout procès d’intention fût-ce pour les meilleures intentions.

Historiquement, l’esclavage a existé dans la plupart des sociétés africaines, européennes, asiatiques et amérindiennes précolombiennes. Ce mode de rapport socio-économique n’a disparu de façon violente et/ou n’est entré en désuétude que parce que de nouveaux rapports économiques sous la poussée de nouvelles techniques de production ont vu le jour et se sont révélés plus efficaces et efficients. Ces rapports étaient acceptés et intériorisés même s’ils ont suscité régulièrement des mouvements de révoltes plus ou moins importants dans l’histoire, celui de Spartacus dans l’antiquité gréco-romaine étant le plus médiatisé et symbolisé, celui qui a conduit à l’indépendance d’Haïti le plus massif et le seul abouti.

Dans les Amériques, les européens et leurs cousins émigrés y ont introduit de nouvelles formes, normes et production industrialisées de l’esclavage modifiant radicalement celui qui préexistait dans certaines sociétés. Pour mieux en mesurer toutes les dimensions d’une extrême brutalité et bonne conscience suprématiste, il suffit de le reporter au génocide des amérindiens qui reste le seul génocide abouti dans l’histoire et dont il ne subsiste que quelques micros groupes ou aux guerres provoquées par les États-Unis au Vietnam, en Irak, en Yougoslavie, en Libye pour ne citer que ces exemples et qu’ils ont systématiquement ravagés. Démontrant ainsi qu’ils sont, dans leur État profond, les Atila du monde moderne. En Europe où l’esclavage existait depuis l’antiquité gréco-romaine au moins, celui-ci a été de fait remplacé par le servage, ce qui était moins contraignant pour le seigneur puisque le serf devait assurer sa propre pitance.

Le servage n’a disparu en Europe qu’avec les premiers développements industriels qui avaient besoin d’une force de travail de plus en plus importante. D’où la nécessité de briser le statut de servage pour assurer le pourvoi de main-d’œuvre nécessaire à la production industrielle.

Aux États-Unis, c’est l’industrialisation du Nord qui a généré la guerre de sécession pour abolir l’esclavage afin de libérer cette main-d’œuvre captive nécessaire au développement de l’industrie.

Bien sûr, dans les cas européen et américain, tout cela est enrobé de belles idées et prétentions humanistes. C’est toujours le même type de chanson jusqu’à ce jour. On enrobe toujours les besoins d’exploiter et de dominer l’autre par des motifs honorables.

La différence entre la traite transatlantique et les esclavages précédents, y compris arabo-musulmans, est du même type que celle entre la shoah et les pogroms et exactions de toutes sortes contre les juifs qui ont massivement existé dans toute l’Europe durant près de deux millénaires, c’est leur caractère industriel ou industrialisé. C’est la raison pour laquelle cela n’a ni le même sens, ni la même résonance, ni le même impact, ni les mêmes conséquences à tous les niveaux. Allez dire à un juif que la shoah est du même ordre que les pogroms et exactions de toutes sortes qui ont émaillé les quasi deux millénaires d’existence en Europe et venez nous en dire des nouvelles !!

Certains glosent sur le nombre de victimes pour prétendre mettre ces deux esclavages sur le même plan. On perçoit aisément qu’un million de morts dans une société répartis sur dix ans et un nombre similaire qui frapperait la même société sur un an, cela n’a ni le même sens, ni le même impact ni les mêmes conséquences sur l’équilibre démographique économique, social, scientifique, technique et culturel de celle-ci. Il en est de même sur ces durées converties en siècles. Pourtant les lobbies occidentaux et/ou pro israéliens n’ont de cesse d’encourager et de promouvoir la mise sur le même pied d’égalité l’esclavage pratiqué par les arabo-musulmans et l’esclavage transatlantique. Et pourquoi pas les esclavages gréco-romain, asiatique voire intra africain ?

L’esclavage arabe apparaîtrait même pire sur un double plan, sa durée sur près d’un millénaire (rappelons les pogroms sur deux millénaires) d’une part, la castration systématique des esclavages, suprême horreur pour les amoureux de la virilité et de l’érotisme. Et là,  je me permets de jouer à Candide. Si je comprends bien les haratines dans la société  arabo-musulmane qu’est la Mauritanie ont dû alors être castrés, au moins à l’origine. Mais alors  comment se sont-ils reproduits ? Que n’auraient-ils disparu ?

Plus généralement, les esclaves, noirs ou non, qui ont été castrés étaient généralement destinés à servir dans les harems pour en contrôler le fonctionnement et servir d’interface de communication pour le seigneur.

Quant à la prétention d’une castration quasi généralisée, n’aurait-il pas été totalement contre productif de la pratiquer quitte à systématiquement devoir  démultiplier ces expéditions si  coûteuses d’autant plus qu’elles pour se pratiquaient à pieds et à dos de chameaux pour se pourvoir en esclaves des siècles durant ?

Doit-on supposer que si les noirs ont quasiment disparu d’Égypte – alors qu’ils peuplaient ce territoire et avaient fondé sa civilisation, que cette Égypte pharaonique s’est répandue sur le Proche-Orient, quelquefois pas  uniquement pour des échanges commerciaux et culturels – ce serait parce qu’ils auraient été tous mis en esclavage et castrés ? Ou alors entièrement massacrés ? Quelqu’un aurait-il entendu parler d’un tel génocide ? Si non, il serait temps que nos historiens se mettent à l’ouvrage pour nous éclairer. Ou alors oser d’autres hypothèses.

Toutes ces nuances de couleurs de la population égyptienne en particulier et des pays arabes qui vont du très fortement basané au plus clair ne seraient-ils pas le signe d’un métissage massif ? Toutes ce chevelures qui vont de l’ondulé au crépu ne seraient-elles pas le  fruit du même processus ? Ne retrouve-t-on ces mêmes traits physiques en Espagne, France et Italie méditerranéennes occupées des siècles durant pas les Arabes ou arabo-berbères ?

Bien des ethnies sub-africaines sont de teint marron clair. Serait-ce simplement dû à quelques particularités microclimatiques ou ne serait-ce pas la caractéristique d’un métissage ancien ?

Nombre de noms et prénoms « empruntés » à la civilisation arabo-musulmane selon la croyance généralement véhiculée, n’auraient-ils pas des origines premières africaines ? Ne serait-ce pas qu’ils auraient été le fruit d’une longue période d’emprunt et d’échanges pour y trouver de nouvelles adaptations chez les uns et les autres ? Sinon, quel sens et quelles conséquences entre autres de la conception de l’antériorité des civilisations noires ? En Islam, on fait beaucoup référence à l’hégire pour dire l’émigration forcée du prophète Muhammad et de ses partisans à Médine et marquer le début de l’ère musulmane. On occulte systématiquement la première hégire qui a eu lieu en Abyssinie sous la protection du Négus. C’est dire l’importance des échanges qui devait exister là aussi entre les deux régions.

Plus marquant et fondamental encore, le sens, l’impact et les conséquences de la traite transatlantique ne sauraient en aucun cas se concevoir ni s’apprécier indépendamment de sa successeure et corollaire, la colonisation (cf. mon article « L’enseignement en langues nationales, un enjeu majeur pour l’éducation, le développement et la libération de l’Afrique)*.

Tout cela n’enlève en rien, bien sûr, la persistance de restes d’esclavage dans certaines régions ni de préjugés et discriminations dans toutes ces sociétés et qui s’accentuent en périodes de troubles, de crises économiques ou de luttes politiques car servant alors d’exutoire et d’intérêts particuliers bien compris de ceux qui en tirent les ficelles (cf. mon article « La crise en Tunisie et la déferlante raciste. Comme une sonnette d’alarme ? » qui en donne un aperçu on ne peut plus actuel).

Un ressentiment haineux persiste et couve sous les cendres chez nombre d’entre nous. Il ressurgit ça et là en filigrane au détour de certains textes et échanges. Il est toujours prêt à donner lieu à des explosions à un moment ou un autre et/ou continuer à nourrir méfiance et divisions. Ce sentiment est savamment entretenu à des fins obscures.

Ce texte ne prétend à aucune réponse. Il a uniquement pour objet de poser des questions, inviter à ouvrir le champ des hypothèses, éviter modestement de se lancer dans combats d’arrière-garde aussi vains qu’autodestructeurs. La nécessité d’entreprendre des travaux afin de connaître notre histoire, clarifier et nommer ses travers et ses ignominies ne devrait pas nous aveugler par une analyse des esclavages au travers de ce que fût la traite transatlantique réduite à la seule couleur de la peau recluse au rebut de l’humanité ni une propension à plaquer notre perception contemporaine, nos valeurs éthiques et l’état de notre conscience d’aujourd’hui sur ce que furent les sociétés humaines durant les grandes périodes de leur histoire au risque d’obérer les conditions de notre propre libération des jougs qui nous enchaînent en nous orientant et précipitant dans des conflits qui nous épuisent mutuellement au profit unique du suprématisme occidental et son maître étasunien, bien actuel, massif et intériorisé qui nous écrase depuis de nombreux siècles maintenant et bien décidé se perpétuer à tout prix, à n’importe quel prix.

*https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid021Zucs3sxk4QKU1Xst8yBAeR69h3ytneF4oRU7Tm5QjafMq1evHiwmR8sgWgBHxMRl&id=100013997915073&mibextid=Nif5oz

**https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02fJau3JgfABq8FeLyC1wXymsCJsF4Z33j3nfJ7N3EwPY2QpxDVHaVPjTVGzGCuJgAl&id=100032875684453&mibextid=Nif5oz

Le 05/05/2023

Scandre HACHEM

scandre1@hotmail.com

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