De toutes les formes de gouvernance politique, la démocratie est la meilleure. C’est le point de vue des plus grands théoriciens des la gouvernance mondiale et de beaucoup de nos dirigeants qui vantent à toutes les tribunes les mérites de la démocratie à travers le monde. En divisant le monde en deux blocs, Est-Ouest, le camp occidental à embarqué l’Afrique dans le giron des « biens pensants ». Ceux qui sont pétris dans le moule de la démocratie à l’Occidentale.
Voilà plus d’un demi siècle (depuis l’indépendance en 1960) que nous apprenons les rudiments de la démocratie. Soixante ans de balbutiements, de gestation douloureuse, de digestion difficile des concepts de démocratie. Soixante ans de leçons non assimilées, de perfusions non tolérées, de greffes rejetées. Nous sommes là aujourd’hui à nous interroger sur la nature, le contenu et les finalités de ce concept qui nous vient de loin, de l’ailleurs.
Nous voici donc à la croisée des chemins avec nos doutes et nos insatisfactions, nos soucis et nos regrets, nos amertumes et nos ressentiments. Bref, nos scepticismes quant aux choix imposés et acceptés par tous sans y être préparés.
Si la démocratie est la meilleure des voies, si elle permet une expression plurielle, si elle ouvre la voie au pouvoir de la majorité à travers des élections libres, transparentes et inclusives, elle ne nous semble pas la panacée pour satisfaire les attentes des populations. Elle a plutôt conduit à la division, au sectarisme, à l’ethnicisme voire au tribalisme dans bien des territoires. Certains conflits sont nés au nom de l’expression démocratique. Le discours de la Baule a semble-t-il réveillé les démons jusque-là contenus.
L’Afrique dans sa diversité est traversée par le même sentiment d’insatisfaction et de questionnement sur cette démocratie imposée qui ne permet pas assurément l’expression du suffrage universel. Si le vote libre et responsable est un des poumons de la vie démocratique, nous devons nous interroger sur la façon dont ce vote s’exprime. Tout système de vote est à la fois un système de sélection et de sanction. Partout où il y a sélection et sanction, il y a forcément division et séparation. Il y a soustraction et non addition.
Si la finalité du vote est pour diviser ceux que la nature a unis et réunis dans un destin commun, si c’est pour les placer dans des camps opposés, on peut s’interroger sur cette démocratie à l’occidentale. C’est donc le lieu de repenser notre démocratie pour l’adapter à nos réalités propres, celles qui faisaient de notre société un espace de dialogue et de tolérance, de respect mutuel et d’acceptation d’un commun vouloir de vie comme.
La gouvernance par consensus comme troisième voie.
C’est cette alternative que j’appelle la 3ème voie. Elle n’est ni démocratie ni dictature. Elle ne s’adosse ni au libéralisme ni au socialisme dans leurs différentes déclinaisons. C’est la voie africaine du partage du pouvoir qui ne repose ni sur une majorité dominante, ni sur une minorité agissante mais plutôt sur une commune acceptation des consensus et des compromis. Compromis et consensus qui ouvrent la voie non pas à des ruptures et à des camps retranchés mais plutôt à des plates-formes de dialogue et de mutualisation des réponses aux problèmes économiques et sociales qui nous interpellent. Cette voie nous semble être celle de la liberté assumée, de l’égalité partagée, des droits et devoirs acceptés.
Le meilleur des systèmes n’est donc pas à mon avis, la démocratie mais plutôt la gouvernance par consensus et par compromis qui, dans l’histoire précoloniale, se faisant sous ce qu’on appelait l’arbre à Palabres. Il nous faut restituer cet espace de concertation et de dialogue et réhabiliter les valeurs ancestrales fondées sur l’écoute, la discussion ouverte et libre, la compréhension, l’entente cordiale qui débouchent forcément sur des compromis et des consensus. Mais jamais sur les ressentiments et la haine, conduisant à des malentendus et des conflits. C’est là que nos valeurs de jom, ngor, teranga, fite, sam cadu, (respect de la parole) prennent tout leur sens.
Retourner à l’arbre à Palabres, c’est démontrer qu’une troisième voie est non seulement possible mais surtout souhaitable pour l’Afrique. C’est reconsidérer l’espace politique qui ne sera plus un champ conflictuel parsemé de risques de toutes natures, mais une plate-forme de rencontres de tous les possibles.
C’est en cela que l’Afrique apportera sa véritable réponse aux interpellations du monde sur la nature de son modus vivendi qui repose naturellement sur un modus operandi accepté par tous. La gouvernance par consensus, c’est en définitive, le retour à la sacralisation de la parole et à ma soumission par tous au gentleman agreement.
Mamadou Kasse
Journaliste-Ecrivain.
madoukasse@yahoo.fr
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