La crise en Tunisie et la déferlante raciste: comme une sonnette d’alarme ?

Scandre HACHEM

Fin observateur de l’actualité nationale et internationale tout en gardant ses idéaux de jeunesse, Scandre HACHEM fut Directeur de bibliothèques en France. Ses activités politiques au sein de différentes organisations lui ont donné une expérience qui en fait pâlir plus d’un. Resté éloigné du pays pendant 40 ans, il retrouve sa terre natale après sa retraite en 2014.

Beaucoup de vidéos qui circulent dans les réseaux sociaux sont certainement avérées même si nombre d’entre elles relèvent de manipulations. Par contre la déferlante de haine raciale à l’encontre des noirs est réelle et encouragée par le Président de la République et un parti d’extrême droite en particulier. C’est une suite, une résultante dans la dynamique dictatoriale que connait la Tunisie depuis l’accession de Kaïs Saïed au pouvoir et la répression qui a frappé et frappe encore les forces d’opposition face à la crise économique et sociale que l’État n’arrive pas à juguler. La haine de l’autre, dans un troisième temps, sert alors d’exutoire. Les noir.e.s en sont les victimes indiquées d’autant plus qu’il y existe un fond raciste historique indéniable à leur égard. Tout cela est ignoble et on aurait pourtant largement et franchement mieux à faire, notamment cultiver la richesse que procure la diversité.

 Un précédent historique ?

En prenant bien soin de préciser que comparaison n’est pas raison, nous pouvons rapprocher la dynamique en cours en Tunisie avec celle qui a ébranlé l’Allemagne avec l’avènement de Hitler : deux peuples profondément cultivés avec une large élite, une expérience démocratique très avancée portée en Tunisie par une révolution politique suite à une mobilisation populaire massive qui échoue dans une crise économique catastrophique, une déliquescence de l’État doublée d’un sentiment de trahison des masses populaires à l’égard  de ses élites, en Allemagne avec l’échec de la République de Weimar*, et tout cela qui finit par un coup d’État constitutionnel, une répression forte et massive de l’opposition de gauche et syndicale, en particulier la gauche radicale, et maintenant une déferlante raciste pour exutoire afin de donner à ronger à la colère populaire et la détourner des véritables problèmes qui ont assailli là-bas l’Allemagne et son corollaire l’Europe, ici la Tunisie et dans son sillage l’Afrique.

C’est dire combien le monde est au bord de l’abîme. Et comme par une ruse de l’histoire, le premier cas a eu lieu dans un continent triomphant et dominateur, le second dans un continent meurtri durant de très nombreux siècles par l’esclavage et le colonialisme, mais dont le réveil en cours porte une part essentielle dans le devenir et l’espoir d’un autre avenir pour l’humanité.

Sans pour autant qu’il faille exclure ou même taire le devoir d’affronter l’histoire et ses stigmates toujours prégnants, s’encourager à jouer ce jeu macabre en appelant à se venger sur les  tunisiens de l’extérieur, réveiller les vieilles rancœurs et éveiller des velléités de règlements de compte, élargir le fossé que d’aucuns s’évertuent à creuser entre la Tunisie, voire l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne et encourager à son tour à leur rejet comme se plaisent à le faire certains, c’est exactement jouer le jeu de la bête immonde et laisser entraîner l’Afrique dans la tourmente qui secoue l’Europe au grand bonheur des suprématistes étasuniens et certains apprentis sorciers qui cherchent à tous prix à rassoir leur suprématie en perdition pour les premiers et à retrouver leur strapontin ou élargir leur zone d’influence pour les autres.

Et nous retrouver à notre tour à l’orée d’un nouveau « Minuit dans le siècle » ?

*La République de Weimar est née à la toute fin de la première guerre mondiale, comme une insurrection contre celle-ci. Quelques jours après sa naissance, la première guerre mondiale a pris fin. Elle a mis en place un régime parlementaire démocratique avec beaucoup d’avancées sociales. Au bout d’une dizaine d’années, elle est entrée en crise avec une instabilité profonde du pouvoir sur fond de crise économique et sociale. Cela profitera à Hitler qui aura une majorité relative aux élections de 1933, à partir de quoi il fait un coup d’État constitutionnel et s’arroge les pleins pouvoirs. S’ensuit une répression massive contre la gauche notamment radicale puis la déferlante raciste contre les juifs dans un second temps, une fois le mouvement ouvrier totalement divisé brisé.

Scandre HACHEM

scandre1@hotmail.com

Le 6 mars 2023

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