Éléments de réflexions sur l’élection présidentielle et propositions programmatiques à l’intention du futur Président de la République. Deuxième partie.

Scandre HACHEM

Fin observateur de l’actualité nationale et internationale tout en gardant ses idéaux de jeunesse, Scandre HACHEM fut Directeur de bibliothèques en France. Ses activités politiques au sein de différentes organisations lui ont donné une expérience qui en fait pâlir plus d’un. Resté éloigné du pays pendant 40 ans, il retrouve sa terre natale après sa retraite en 2014.

II : ÉLÉMENTS DE PROPOSITIONS PROGRAMMATIQUES  À L’INTENTION DU FUTUR PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Même s’il est entendu qu’une place naturelle existe pour l’initiative privée,

La philosophie générale qui guide l’essentiel des propositions programmatiques exprimées ici repose sur une dynamique économique dont la force motrice est fondée, non sur la recherche du profit maximal, mais sur la satisfaction des besoins sociaux pour la quasi-totalité de la population et qui ne produise point de laissés pour compte.

Il en découle une gestion des entreprises, plus particulièrement celles centrées sur le bien commun, selon la spécificité de chaque secteur, fondée sur une participation active de l’ensemble du personnel comme de tous les producteurs, des associations de consommateurs et plus généralement des organismes représentatifs de la société civile. Il s’agira alors, selon une démarche pragmatique conçue dans la durée, de créer et expérimenter les modalités de cette participation.

  1. Les biens communs et l’engagement stratégique de l’État

L’eau et l’électricité, l’éducation et la santé publiques, les moyens de transports et de communications, et enfin l’alimentation et l’habitat sont des biens communs qui nécessitent un engagement stratégique de l’État tant sur le plan de l’investissement que par sa présence massive et sa maîtrise des moyens de régulation pour des services de qualité et accessibles au citoyen commun. D’autres biens pourraient venir étoffer cette liste qui doit rester systématiquement ouverte.

La santé et l’éducation publiques en particulier doivent faire l’objet de dispositifs spécifiques avec des moyens financiers fondés sur les cotisations de tous les citoyens selon leurs revenus et des organismes de gestion publics gérés par les travailleurs et les citoyens organisés en associations.

a)L’exemple de la sécurité sociale française selon les principes définis et mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale (et non selon son état actuel !) pourrait servir de guide et d’orientation. Des moyens similaires et adéquats devraient faire l’objet d’une élaboration spécifique et adaptée à nos traditions, nos besoins et nos capacités. Rappelons que la Sécurité sociale française a été élaborée et mise en œuvre dans un pays ravagé par la guerre  et où les citoyens bénéficiaient de tickets de rationnement, ce qui signifie clairement que ce n’est donc pas une question de richesse mais de volonté, de formation et d’organisation. C’est ce système qui a produit en une à deux générations le plus beau fleuron de santé publique au niveau mondial avant qu’il ne soit progressivement et systématiquement détricoté ces dernières décennies au bénéfice du secteur privé et de la recherche du profit, transformant la santé comme l’éducation par ailleurs à l’état de marchandises d’une part et, plus gravement encore, de puissants marqueurs de séparatisme social d’autre part, les couches sociales disposant d’un certain niveau de richesses s’extrayant progressivement des secteurs publics au profit du privé et ne partageant plus en conséquence ces lieux communs où se mélangeait toute la population.

a-1) Quant à la santé, « puisqu’elle n’a pas de prix », les entreprises privées avides de profits toujours plus importants en profitent pour en engranger à un maximum toujours supérieur. Or, de cet adage, il faudrait plutôt déduire que la santé devrait alors être accessible à toutes et tous, en fonction des besoins de chacun et au même niveau de qualité.

a-2) Création d’un Institut de médecine traditionnelle intégré à la Faculté de médecine.

L’immense majorité de la population, même lorsque nombre d’entre elle utilise  la médecine institutionnelle, la conjugue peu ou prou, à un moment ou un autre, à l’usage des plantes médicinales à divers niveaux. Les médecines traditionnelles sont des pratiques millénaires et sont en usage partout dans le monde. La médecine moderne en est issue même si elle a tendue à l’isoler progressivement puis à la dévaloriser de plus en plus violemment. De nombreux pays continuent pourtant de lui donner toute sa place, de l’étudier avec les techniques modernes, de construire, entretenir et développer toutes les structures propres à assurer la recherche, la formation des personnels comme l’exercice de sa pratique parallèlement aux circuits de la médecine moderne. Nous devrions suivre leur exemple et mettre en place une coopération systématique avec tous les pays et institutions concernés.

Des expériences isolées et disposant de peu de moyens existent malgré tout grâce à des engagements volontaires de médecins confirmés et expérimentés. Il appartient aux pouvoirs publics de les soutenir, les valoriser et de s’engager fermement dans l’objectif d’en faire un enjeu majeur de santé publique.

Voir mon article « Pour un Institut de recherche fondamentale et appliquée des plantes médicinales : éléments de réflexions » du 7 mai 2020. Lien ci-dessous :

https://senexalaat.com/2020/05/07/pour-un-institut-de-recherche-fondamentale-et-appliquee-sur-les-plantes-medicinales-elements-de-reflexion-scandre-hachem/?amp=1

b) Quant à l’éducation publique, nous avions jusqu’au cours des deux premières décennies de notre notre indépendance un enseignement public de très haute qualité. À l’exception des écoles privées catholiques, les élèves qui se retrouvaient dans toutes les autres écoles privées l’étaient suite à leur exclusion du secteur public soit pour échec scolaire soit pour indiscipline caractérisée et continue tant le niveau était au mieux des plus moyens. Aujourd’hui, c’est quasiment l’exact contraire qui se  développe. La plupart des familles qui disposent des ressources suffisantes courent après le privé tant les moyens financiers, matériels, pédagogiques engagés par l’État ont été de plus en plus insuffisants eu égard aux besoins réels de plus en plus importants dans le secteur public.

b-1) À noter que c’est dans le secteur de l’enseignement que, en plus d’être un marqueur, ce phénomène est devenu en plus d’être un puissant marqueur de séparatisme social mais a généré l’un des champs de séparatisme social où il commence à s’étendre massivement dans toute la société et s’incrémente structurellement dans les cerveaux dès le plus jeune âge.

b-2) Autant le régime colonial à été parcimonieux concernant l’accès à l’instruction moderne malgré certains efforts quelques décennies avant la décolonisation, notamment la dernière décennie du régime colonial. Autant l’indépendance en a libéré le besoin et la demande. Autant les pouvoirs publics ont alors survalorisé l’augmentation du budget de l’éducation nationale en valeur absolue, autant ils ont ignoré et/ou passé sous silence la baisse du ratio du budget rapporté au nombre d’élèves qui ne cessait de diminuer, ce qui a entraîné des classes de plus en plus surchargées et une insuffisance de plus en plus accentuée de l’encadrement tant quantitative que qualitative.

b-3) Pour un enseignement pratiqué dans les langues nationales.

L’Afrique subsaharienne est la seule région au monde où l’enseignement se fait toujours dans la langue du colonisateur, soixante ans après les indépendances.

C’est dire l’auto-dévalorisation, consciente ou non, que nous entretenons de nos cultures comme de l’usage de nos langues maternelles et que nous nous efforçons de continuer de  reléguer à la sphère privée, malgré toutes les dénégations que l’on pourrait déclamer et conjuguer dans les sens que l’on voudra. C’est dire aussi, le langage structurant la pensée et donc la personne, combien nous nous percevons à travers le regard du colonisateur et plus généralement de l’Occident, tant sur le plan de nos traditions et cultures que de notre histoire et des savoirs, compétences et potentiels qu’elle porte.

C’est dire la double personnalité fondamentalement déséquilibrée voire torturée que cela inscrit en nous et dont chacune porte en elle une pièce centrale manquante, celle créée par l’appropriation de la connaissance moderne par la culture du colonisateur qui la véhicule et qu’elle survalorise en conséquence d’une part, celle de la sphère privée qui exclut toute capacité en soi que nos cultures et langues puissent s’approprier et véhiculer la connaissance moderne qu’elle tend corollairement à dévaloriser d’autre part.  Il faut remarquer à ce propos le développement de l’usage du français dans les échanges parents enfants dans la sphère privée au détriment de la langue maternelle dans une partie des couches moyennes supérieures ou qui aspire à en être.

C’est dire toute la difficulté des apprentissages que l’on doit réaliser dans une langue autre que celle qui nous a forgé et structuré dès notre naissance et même dès notre conception comme on le sait aujourd’hui.

Mais comment maîtriser véritablement des connaissances et compétences transmises par l’école quand on a une maîtrise déficiente de la langue qui les transmet ?

C’est dire, même si une toute petite minorité d’élite, de haut niveau et de classe mondiale, peut être produite malgré cette distorsion, combien la grande masse des apprenants subissent des difficultés propres à enrayer et/ou à entacher profondément une maîtrise réelle des savoirs scientifiques et techniques supposés acquis et sanctionnés comme telle dans l’apprentissage moderne. Cela produit un hiatus de plus en plus marqué entre un encadrement supérieur de qualité, souvent capté par les entreprises et institutions internationales par ailleurs, et des cadres intermédiaires, des techniciens et des apprentis dont la compétence est sujette à caution tant dans le public que dans le privé, tant chez les salariés que les artisans indépendants.

En conséquence de tout cela, il serait très largement temps et urgent, soixante ans après notre indépendance, sachant que ce processus sera nécessairement long, si l’on veut en assurer le succès et la solidité, de mettre enfin en place une démarche raisonnée et planifiée de l’enseignement dans les langues nationales en commençant le processus par le périscolaire et le CP pour avancer d’un niveau après l’autre, année après année. Cela permet d’avancer pas à pas, de prendre le temps de former les personnels, construire une et/ou plusieurs pédagogies tout en en développant les supports, les expérimentant et les améliorant d’année en année, permettre à l’ensemble de la population d’accéder à une maîtrise au minimum significative des langues nationales, développer une production éditoriale, littéraire et scientifique riche, diversifiée et accessible à différents niveaux d’études et de savoirs.

Parler une langue maternelle ne veut pas dire la maîtriser. La très grande majorité utilise quelques centaines de mots en général, une syntaxe et une connaissance grammaticale minimales, voire rudimentaires, pour les besoins de leur pratique et vie quotidiennes. La culture, la connaissance scientifique et technique, la richesse intrinsèque véhiculée par une langue pour l’accès comme pour la diffusion des savoirs demandent un apprentissage profond et soutenu afin d’en exprimer toute la richesse et le génie créateur C’est tout cela qu’il faudra reconstruire pour renouer avec notre histoire et nous réapproprier les richesses et potentiels passés et à venir de notre civilisation.

(Voir ma « Lettre ouverte au Président de la République. Pour une démarche raisonnée de mise en place de l’enseignement généralisé des langues nationales dans l’Éducation nationale » en date du 27 novembre 2019).

Lien ci-dessous :

Afin de créer une dynamique de mobilisation populaire pour le porter comme un projet national, il serait intéressant d’étudier l’intérêt de le valider par référendum après un large débat à tous les niveaux sur une période de plusieurs mois.

2) La sécurité et l’indépendance alimentaire.

Ces objectifs devraient relever là aussi, pour se donner les moyens d’en assurer la réussite, d’un projet national impliquant non seulement les agriculteurs, l’existence d’un réseau d’unités de transformations des produits primaires maillant tout le territoire, mais aussi de l’implication des distributeurs et des moyens de communications.

La sécurité et la souveraineté alimentaire ne sauraient donc être réduites à de simples questions et organisations techniques touchant les seuls agriculteurs.

Par ailleurs, il est nécessaire d’affirmer clairement que la raison d’être première de notre politique est de nourrir notre population, lui assurer une alimentation suffisante, riche et équilibrée et non d’être mue par l’objectif de construire des entreprises industrielles performantes capables de participer à la concurrence internationale qui, certes, assureraient la richesse de quelques individus, créeraient quelques centaines ou même milliers d’emplois, mais laisseraient sur le bord de la route des centaines de milliers, voire des millions de concitoyennes et concitoyens.

a) Du point de vue de l’agriculture proprement dite, des conditions de base pour la paysannerie devraient être définies parmi lesquelles :

– la maîtrise totale de la production de semences et de sa protection contre tout système de brevets privés

– La régénération et l’enrichissement systématique des sols doivent être structurellement combinés avec leur exploitation en encourageant et accompagnant la mise en œuvre de la permaculture, l’agroforesterie, l’implantation systématique de plantes fertilitaires dans toute exploitation agricole.

– Le soutien massif aux cultures vivrières telles que les différentes familles de mil, le fonio, le dimb, les légumineuses, …

– Le développement de potagers et de vergers individuels et/ou coopératifs dans toutes les zones habitées, du village jusqu’aux grandes villes.

D’autres idées et propositions devraient être élaborées, adaptées et enrichies avec l’expérience.

– L’intégration de potagers et de vergers pris en charge par les élèves accompagnés par le personnel enseignant, administratif et/ou technique, dans toutes les écoles primaires et les collèges, notamment en milieu rural et semi-urbain qui disposent de l’espace nécessaire, de préférence à l’intérieur de son périmètre, sinon à proximité de l’établissement concerné.

– L’existence d’un réseau d’unités de transformation des produits primaires en suscitant la création, le soutien et l’accompagnement de petites entreprises coopératives.

– La multiplication des établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricoles.

b) La pêche artisanale pourrait permettre la création de dizaines de milliers d’emplois directs et induits. Elle serait tout autant capable d’assurer l’alimentation en protéines animales de l’ensemble de la population du pays, et en particulier des millions de personnes qui vivent le long des côtes du pays mais aussi des fleuves et des cours d’eau.

Le manque de poissons est devenu structurel et dramatique pour la pêche artisanale tant la pêche industrielle à ravagé et continue de ravager nos côtes.

Il serait temps de la remettre complètement à l’honneur et de rejeter dorénavant tout nouveau contrat avec les entreprises de pêche étrangères quel qu’elles soient, en refusant de renouveler les contrats arrivés à terme et renégociant dans toute la mesure du possible, selon des conditions favorables, les contrats en cours.

Cela devrait être accompagné de différentes mesures parmi lesquelles :

– systématiser le développement et la modernisation de la flottille de pêche artisanale

– créer un circuit de distribution géré en y intégrant des nouvelles technologies (comme cela se pratique déjà dans certaines zones) aussi bien par l’entreprenariat privé que coopératif.

– encourager, soutenir et accompagner la création de petites unités de transformation des produits de la mer

– décourager la pisciculture à l’exception des zones relativement éloignées des côtes où il faudra au contraire encourager la mise en place de petites unités, si possible au sein d’exploitations agricoles (l’eau des bassins étant un excellent fertilisant) pour assurer aux populations environnantes l’accès au poisson frais.

c) Développer les moyens pour soutenir, améliorer l’élevage extensif afin d’en amplifier les résultats par :

– l’introduction de races croisées entre celles qui sont locales et celles d’origine extérieure et de conditions climatiques similaires en particulier dans l’élevage extensif

– l’amélioration du suivi sanitaire

– la création de circuits de collectes de lait autour d’unités de transformations coopératives ou privées

– créer des circuits de distribution de proximité des produits finis dans le réseau de villages et de petites villes environnants.

– former, encourager et soutenir les populations agro-pastorales à créer et entretenir, le long de leurs parcours de transhumance, des zones forestières faites de plantes fourragères et fertilitaires adaptées à leur climat et environnement.

À noter que beaucoup de ces mesures sont pratiquées déjà. Il s’agirait alors de les systématiser notamment pour l’élevage extensif.

d) La condition nécessaire à la réussite du projet d’indépendance et de sécurité alimentaire se trouve dans l’engagement du secteur de la distribution à développer la filière des produits locaux transformés et conditionnés pour être vendus en vrac ou au détail. Ces produits au détail ne sont disponibles que dans des magasins d’épicerie fine à des prix accessibles aux seules classes moyennes supérieures, ou alors en vrac au coins de certaines rues par des femmes qui viennent s’y installer à des heures déterminées, souvent en fin d’après-midi alors qu’ils devraient être disponibles dans toutes les supérettes et petites boutiques de quartier à des prix accessibles dès les petits revenus.

e) Enfin, le dernier volet pour la réussite de ce projet se trouve dans la valorisation de la cuisine traditionnelle à base de produits locaux dans tout le réseau des moyens d’information et de communication, presse imprimée ou en ligne, la télévision, la radio, les réseaux sociaux. On a vu passer les modes, et les plus abracadabrantes, par la seule puissance de la propagande et de la publicité. Nous avons vu se mettre en place de nouvelles habitudes alimentaires avec les pâtes et les bouillons tels que les cubes Maggi et autres Jumbo ces dernières décennies. Pourquoi serait-il impossible de se doter des mêmes moyens pour mettre en valeur nos traditions gastronomiques riches de toutes les composantes sociales et régionales du pays en même temps que de présenter les qualités nutritives de nos produits vivriers ?

3) Développer le réseau des micros, petites et moyennes entreprises en valorisant et revivifiant les corps de métiers traditionnels.

La colonisation a réduit à sa plus simple expression l’agriculture vivrière au profit des cultures commerciales telles que l’arachide notamment mais aussi des produits alimentaires de base importés tels que le riz entre autres. Plus généralement, l’importation de produits finis a mis à bas l’artisanat des métaux, du bois, de la cordonnerie, de la couture organisés en corps de métiers enfermés pour les trois premiers dans des castes jugées inférieures tandis que les paysans ont été relégués au rang de baadoolos, de kawkaws ou d’autres caractérisations péjoratives, les couches supérieures conservant leur statut de nobles par la grâce de la fréquentation de l’enseignement colonial ouvrant la voie à l’administration publique et/ou aux nouvelles fonctions guerrières (armée, police, gendarmerie), le Chef de l’État se prenant pour un roi sorti des cuisses de Jupiter, roi de droit absolu, reléguant et disposant de ses concitoyens comme des sujets à son service et de son pays comme de sa propriété, puisant allègrement et à satiété dans ses richesses pour nourrir on ne sait à quelles fins comptes et propriétés dans le territoire national comme à l’étranger.*

Tout cela a abouti à la destruction des forces productives nationales, principaux secteurs à valeur ajoutée et donc de richesses créées au profit d’une économie compradore extravertie faite de négoces et d’industrie de transformation tournée vers l’Occident où est alors transférée la quasi-totalité de la valeur ajoutée produite.

C’est l’ensemble des forces productives allant de l’agriculture à la pêche artisanale en passant par tous les corps de métiers, producteurs de valeur ajoutée, de richesses et de développement au service du plus grand nombre qu’il faudrait relancer, revivifier et valoriser non seulement pour la production des produits de base mais aussi par la création d’un réseau de micros, petites et moyennes entreprises pour la production de produits finis dans le but d’une consommation locale, régionale et nationale d’abord.

Jusqu’à l’exploitation minière, non seulement aucun produit ne devrait sortir du pays non transformé, mais en plus une partie de la production devrait être dans toute la mesure du possible rétrocédée aux artisans à un prix fixé à son coût de production.

Ce réseau d’entreprises est le plus grand pourvoyeur d’emplois. De plus, il constitue la seule fondation solide sur laquelle peut s’appuyer de façon féconde de grandes entreprises éventuelles.

4) Développer les centres, écoles et instituts de formation et de recherche dans les nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle à l’impression additive ou 3D en passant par la création de logiciels et d’outils électroniques.

Ces secteurs, tous domaines et spécialités confondus, sont aujourd’hui au cœur de l’économie, la santé, la gestion administrative, la vie sociale comme de l’éducation, de la culture et de la communication à tous les niveaux. Ils les innervent dans leur centralité comme dans leurs ramifications et en démultiplient l’efficacité pour le meilleur comme pour le pire faut-il le préciser.

5) Pour une monnaie nationale

a) On évoque beaucoup et à juste titre le projet de rupture vis-à-vis du franc CFA  et la création d’une monnaie commune de l’ensemble de la CEDEAO étendue au Nigéria et au Ghana. Celle-ci ne serait féconde pour un développement harmonieux et équilibré de l’ensemble des pays impliqués que si elle s’accompagne en même temps et structurellement d’une fiscalité unifiée et d’un budget spécifique consistant, géré par une Direction de la planification et du développement stratégique. Cet organisme devrait avoir une gestion autonome et une compétence décisionnelle après concertation avec les États nationaux. Son objet devrait concerner les grands travaux, la sélection de secteurs stratégiques à développer par des investissements soutenus et de contenir et enrayer toute dynamique inégalitaire entre pays.  La monnaie vit en fonction de la réalité économique d’un pays ou d’un ensemble de pays. Si elle est tributaire d’une libre concurrence entre économies nationales, elle finit par être captive et orientée au profit des économies les plus puissantes. C’est le cas de l’euro avec l’Union européenne où la nouvelle monnaie a été progressivement adaptée et orientée au service de l’Allemagne et de certains autres des pays du nord de l’Europe, laissant les autres économies nationales s’enfoncer lentement mais sûrement.

Il serait en conséquence plus judicieux, plus facile et rapide d’opter dans un premier temps pour une monnaie nationale et développer des accords d’échanges entre pays en monnaies nationales. Chacun aurait une monnaie qui correspond à l’état de l’économie qui la porte avec un exercice souverain de sa politique économique.

b) Impulser et encourager le développement des échanges commerciaux inter africains en :

b-1) fixant officiellement des taux de changes entre les différentes monnaies existantes et en  assumer les paiements dans les transactions de marchandises.

b-2 ) réservant systématiquement une partie des emprunts d’État en monnaie nationale et une autre, dans une moindre mesure, en monnaies des pays africains et de la sous-région plus particulièrement selon le niveau des échanges commerciaux avec les uns et les autres. Ces mesures nous permettaient de contre balancer à terme les contraintes imposées auprès des organismes financiers internationaux par celles exercées par notre propre population (qui sera mue très certainement selon ses propres besoins sociaux**) et celles des pays voisins. Ces parties d’emprunt réservées devraient être réévaluées régulièrement au fur et à mesure du développement des échanges. Plus cette participation sera importante, plus nos échanges inter africains se développeront d’une part et moins nous devrons passer sous les fourches caudines des bailleurs internationaux d’autre part.

6) La création d’une nouvelle capitale

La vie économique, administrative et politique du pays se concentre essentiellement sur la région de Dakar, région cul de sac, logée à l’extrémité du pays, tournée vers le large, avec une économie fondée, structurée et orientée sur les besoins de la métropole coloniale puis de l’Europe et du monde occidental en général élargi aujourd’hui au reste du monde hors Afrique. Cette situation particulière a induit une économie déséquilibrée qui a captée toute l’énergie du pays sans jamais porter à son tour une dynamique d’impulsion de création de centres économiques intermédiaires dans le reste du pays. L’économie du Sénégal est unijambiste et excentrée géographiquement. Ce déséquilibre est devenu au fil des ans structurel et contre-productif.

Un processus vers la création d’un pôle économique significatif commence à se dessiner avec le chemin de fer Dakar Tambacounda et la création à terme d’un port sec dans cette dernière et qui, à terme, créera une dynamique de désenclavement de la Casamance plus particulièrement, de développement économique et d’une démultiplication des échanges avec les pays frontaliers et/ou proches. Cela aboutirait à terme à permettre à notre économie unijambiste et décentrée de marcher enfin sur deux jambes, l’une au nord-est (Dakar et sa région), l’autre au sud-ouest (Tambacounda et son vaste environnement géographique) et de nourrir ainsi tout un maillage économique, social et urbanistique entre les deux tout en ouvrant notre horizon africain.

Un second intérêt central cette région qui deviendrait le pendant de la région de Dakar serait d’y transférer à terme la capitale tout en conservant et transformant bien sûr l’existant en annexes pour tous les secteurs de l’État. Cela correspondrait d’une certaine manière à un système bicéphale d’administration et de gestion.

Enfin et en tout état de cause, le choix d’une nouvelle capitale s’impose d’autant plus que, à l’exception d’une partie du Plateau et de la corniche, toute la région de Dakar jusqu’à Bargny et au-delà, est au niveau de la mer, voire en dessous dans d’immenses zones. Avec le changement climatique et la multiplication des catastrophes naturelles régulièrement de plus en plus violentes, nous ne pouvons nous estimer à l’abri d’un tsunami dévastateur avec des conséquences irréversibles. Même une fois la mer s’étant retirée, l’eau resterait fixée dans toutes les zones situées en dessous du niveau de la mer, transformant la région en un ensemble d’îlots séparés les uns des autres où tout réseau de transports serait à concevoir et à construire s’il y aurait lieu.

De plus, maintenir la capitale dans cette région serait prendre le risque de se retrouver dans un pays sans tête et l’essentiel de ses cadres emportés par la tourmente.

C’est dès maintenant que ce risque devrait être envisagé et évalué dans sa pertinence afin de commencer à réfléchir à l’étude d’une alternative adéquate et féconde et à la planification du processus de sa mise en œuvre.

Le choix de Tambacounda comme capitale du pays serait un aboutissement logique et fécond dans l’ensemble de ces perspectives.

Notes ;

*Il serait intéressant que nos historiens et anthropologues étudient la relation éventuelle entre la dévalorisation des corps de métiers considérés comme des castes inférieures d’une part et l’extension de la pénétration coloniale et l’adhésion à ses valeurs parmi nos élites d’autre part.

** cf les effets sociaux bénéfiques au Japon qui emprunte systématiquement et exclusivement dans sa propre monnaie.

Le 22 janvier 2024

Scandre HACHEM

scandre1@hotmail.com

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