DÉCONSTRUIRE LA STRATÉGIE DE GUERRE DU SUPRÉMATISME ÉTATS-UNIEN ?

Scandre HACHEM

Fin observateur de l’actualité nationale et internationale tout en gardant ses idéaux de jeunesse, Scandre HACHEM fut Directeur de bibliothèques en France. Ses activités politiques au sein de différentes organisations lui ont donné une expérience qui en fait pâlir plus d’un. Resté éloigné du pays pendant 40 ans, il retrouve sa terre natale après sa retraite en 2014.

Depuis la fin du pouvoir d’un Boris Yeltsine totalement sous emprise  de l’administration états-unienne, la politique de celle-ci a renoué avec sa politique visant à isoler la Russie par une guerre aussi bien politique, idéologique qu’économique. Cette politique n’a cessé de s’amplifier dans le but d’affaiblir dernière et l’insécuriser par un élargissement systématique de l’OTAN, en s’appuyant sur les inquiétudes, avérées ou non, mais aussi les ressentiments de pays de l’Europe orientale, sentiments qu’elle cultive savamment et d’autant plus activement que nombre de leurs dirigeants en font leur fond de commerce. La dernière décennie a été marquée par une ignorance quasi totale par la très grande majorité de l’opinion publique mondiale, sous influence systématique de la presse mainstreaim occidentale, de ce qui se jouait dans les coulisses en Ukraine, depuis les multiples opérations de déstabilisation contre l’influence politique de la Russie jusqu’à la remise en cause des droits des populations russophones, en particulier dans le Dombass. Cette même opinion mondiale sera par contre chauffée à blanc contre la Russie par l’appareil du parti démocrate depuis l’échec de Hillary Clinton face à Trump, et à intensité maximale avec l’arrivée de la nouvelle administration Biden. On aura passé ainsi plus d’une décennie de désinformation massive et intensive pour faire de la Russie l’ennemi à abattre et Poutine l’artisan démoniaque de tous les méfaits imaginables et cible dès lors « légitime » pour nourrir et exacerber toute une haine hargneuse.

Du déclenchement de la guerre …

 Contre l’avis de tous les services secrets, experts politiques, académiques, personnels politiques dans le monde, seuls les dirigeants américains et certains de leurs services secrets étaient donc au courant d’une invasion planifiée de l’Ukraine par la Russie. Malgré les affirmations publiques clamées sur tous les tons, ce qui a dû nécessairement alerter toutes ces autres entités à activer au maximum tous leurs réseaux et toute leur vigilance, aucune de ces entités non états-uniennes n’aura trouvé le moindre indice corroborant leurs affirmations.  Qu’est-ce à dire ?

D’un « deus ex machina » accusé de déstabiliser les démocraties occidentales et en particulier états-unienne en manipulant leurs élections, jusqu’aux accusations systématiques, échéancier à l’appui, de la décision d’envahir l’Ukraine, Poutine devient l’Ennemi, le tyran surpuissant devenu fou, accusé de maladies diverses et variées qu’il devenait urgent et nécessaire d’éliminer. L’invasion de l’Ukraine en donnait enfin le prétexte incontournable et impérieux.

Les accusations de manipulation des élections aux États-Unis ont accouché d’une souris, les prétendues preuves se réduisant à rien que de très banal, et à trois fois rien en comparaison des véritables opérations de déstabilisation  au Proche et Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Asie, entreprises par les États-Unis et leurs alliés, notamment les anciennes puissances coloniales, en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, dans le Pacifique (et pourquoi pas demain au pôle Nord ? ) et dotées, elles, de moyens massifs sécuritaires, militaires, politiques, idéologiques, médiatiques, le tout appuyé d’ONG multiples et variées, grassement financées et propulsant leurs principaux dirigeants dans la couche moyenne supérieure pour en faire des supplétifs aux intérêts bien compris.

Quant à la seconde accusation majeure qui ébranle le monde actuellement , que ne continuerait-on à creuser l’hypothèse qu’il n’y aurait eu aucun projet pré-établi d’une invasion de l’Ukraine par la Russie puisque seuls Biden et ses services étaient au courant de ce plan ? Les dirigeants européens ont au contraire préféré se laisser immédiatement enfermer et entraîner dans cette tourmente. Ne dit-on pas régulièrement que face à un danger, et particulièrement et à plus forte raison un enchaînement de dangers, il faut montrer sa force pour éviter de l’utiliser ? N’était-ce pas là le projet de la Russie ? Montrer sa force pour ne pas avoir à l’utiser ? Ou finalement, montrer sa force pour se retrouver totalement piégé et l’utiser ?

 On pourra retourner le problème dans tous les sens, on connaitra la vérité dans quelques décennies peut-être, limitée à quelques cercles restreints et n’intéressant plus grand monde, mais le mal aura déjà été fait. Il n’empêche, en attendant, pour éviter le pire,  il est nécessaire de creuser aujourd’hui toutes les pistes et hypothèses de ce cas de figure si l’on veut commencer à se donner les moyens d’enrayer la dynamique infernale en cours et dans laquelle nous sommes entraînés comme des somnambules pour certains et comme des va-t-en guerres ivres de sang, de gloire et/ou de butins pour d’autres.

À qui profite le crime ? N’est-ce pas la question classique qu’il faut toujours se poser et que l’on nous répète depuis des décennies et des siècles ?

… comme solution au dilemme  de Thucydide

 La réactivation de l’OTAN et son positionnement stratégique à l’échelle non plus atlantique mais mondiale ? La faute à Poutine ! La remise au pas  de l’Union européenne sous tutelle états-unienne ? La faute à Poutine là aussi ! L’urgence climatique totalement balayée du champ économique, politique et idéologique ? La faute à Poutine encore !  La reprise à son compte, et aussi massivement, par l’Union européenne de la guerre économique et de la politique de sanctions états-unienne ? La faute à Poutine bien sûr ! Le centrage de la Chine comme l’ennemi du monde occidental et non plus le challenger économique des seuls États-Unis grâce au détour par l’invasion de l’Ukraine ? La faute à Poutine encore et toujours ! Et j’en passe ! Les États-Unis ne feraient que recueillir en toute innocence et/ou avec intelligence cette pluie de fruits sonnants et trébuchants déversée par la grâce divine ? Ne se proclament-ils pas après tout chargés par Dieu de la mission de répandre les valeurs universelles et les droits de l’homme dans le monde ?

Les suprématistes états-uniens développent depuis de nombreuses années une stratégie de containment de la Chine et de reconquête de leur suprématie ébranlée. Ils le clament haut et fort. Il serait temps de reconnaître qu’ils ont su jusqu’à présent la déployer, créer et/ou profiter de chaque opportunité pour l’adapter, l’amplifier et y entraîner alliés récalcitrants, dubitatifs, méfiants et/ou aveuglés par différents types d’ambitions. Accordons leur cette réussite, autre condition nécessaire si nous voulons nous donner les moyens de commencer à déconstruire cette dynamique qui mène l’humanité entière vers une catastrophe majeure et annoncée.

Le piège de Thucydide qui a disparu de la presse mainstreaim depuis le début de le déclenchement de la guerre en Ukraine et qui commence enfin à être nommé dans les réseaux sociaux face à la montée actuelle des périls est à l’œuvre très vite avec l’avènement de l’administration Biden. La dynamique des évènements, depuis plusieurs années déjà, a conduit à la guerre en Ukraine. On pourra incriminer Poutine autant qu’on voudra, c’est une stratégie dont la dynamique, à défaut de la soumission de l’adversaire, finit par le faire basculer dans la guerre s’il n’avait pas réussi à la désamorcer bien en amont, où que ce soit. D’autres dynamiques sont à l’œuvre ailleurs, au Proche et Moyen-Orient depuis un moment déjà comme dans le Pacifique aujourd’hui ; et pourquoi pas demain au pôle Nord ? De la même manière que Poutine a été ferré (y compris d’ailleurs l’Allemagne avec son engagement à dénoncer Nord Stream 2 en cas d’attaque de la Russie contre l’Ukraine et, comme par hasard, dans la foulée, les bombardements de l’armée ukrainienne contre le Dombass ont été démultipliés, ce qui mettait définitivement Poutine au pied du mur ? N’y retrouve-t-on pas la volonté systématiquement affirmée des États-Unis qui n’ont eu de cesse de s’y opposer et d’empêcher sa réalisation dès qu’il a été conçu ? ). De la même manière, un autre pays finira par être ferré (quitte à inventer de toutes pièces un incident, avec images et prétendues preuves) dans l’une des dynamiques infernales mises en œuvre et savamment entretenues par les suprématistes états-uniens. Et de hurler alors, encore une fois, à tue tête et d’une seule voix, « Sus à l’agresseur ! » ? Car les États-Unis ont bel et bien choisi de trancher le piège de Thucydide par la guerre pour retrouver leur suprématie sérieusement ébranlée. L’adhésion et la soumission de l’Union européenne à ce choix des États-Unis est une pièce maîtresse indispensable au déclenchement de celle-ci, à sa continuation comme à son extension. Nolens volens, l’Europe occidentale y est entraînée inexorablement par certains pays d’Europe orientale qui veulent en découdre absolument avec la Russie, assouvir un esprit revanchard qui remonte loin dans le temps, et pas seulement suite au glacis soviétique, réveiller de vieux contentieux (ne serait-ce pas le cas de la Pologne et de la si discrète Finlande ? ). Ils jouent à cet effet le rôle de supplétifs actifs, jusqu’aux boutistes et efficaces au profit des États-Unis qui n’ont de cesse d’attiser le feu dans la surenchère belliciste. Notons un fait majeur, à savoir la Finlande qui, suite à son alliance avec l’Allemagne nazie pour envahir la Russie et lui arracher un territoire contesté au cours de la seconde guerre mondiale, vient de rompre un engagement de neutralité stipulé dans le traité de paix signé avec elle à l’issue de cette guerre. En rompant ce traité de paix, la Finlande renoue de fait et officiellement avec l’état de guerre antérieur contre la Russie, ce sur quoi fait totalement silence la presse mainstreaim occidentale d’autant plus facilement que cette demande d’adhésion à l’OTAN à été faite, comme par hasard (?!!!) en même temps que la Suède alors que les deux cas sont radicalement différents. En effet, la Suède avait un statut de neutralité par conviction, la Finlande avait ce même statut dans le cadre d’un traité de paix, Un État qui dénonce donc de fait un traité de paix en renonçant à l’une de ses clauses essentielles à savoir son statut de neutralité, par une demande officielle d’adhésion à l’OTAN renoue avec l’état de guerre antérieur. En accédant à cette demande d’adhésion, cet organisme accueillerait ainsi un État en état de guerre. Nous serions donc en face d’une double déclaration de guerre qui ne dit pas son nom mais n’en serait pas moins réelle une fois l’adhésion de la Finlande actée officiellement. Il ne resterait plus, pour les États-Unis, qu’à trouver et/ou à créer le prétexte pour faire déclencher les hostilités. Ainsi, le second niveau que j’évoquais dans mon article « Guerres en Europe : L’enjeu ukrainien », à savoir l’extension du conflit à l’Europe, est en phase d’être mise sur orbite. Cela dépendra de l’évolution des évènements en cours à moins de la survenue d’une action incontrôlée qui mette le feu aux poudres que personne n’aurait ni voulue ni prévue.

À moins que l’Europe occidentale ne réagisse fermement et ne se donne les moyens de rompre résolument avec cette dynamique de guerre annoncée, meurtrière et destructrice, les États-Unis nous mènent droit à une nouvelle guerre mondiale. Sauf à compter sur les BRICS+, à la coalition la plus large et la plus ferme des pays non alignés et, enfin et non le moindre, à la renaissance et la reprise massive des mouvements anti-guerres en Europe et aux États-Unis eux-mêmes.

Scandre HACHEM

Le 4/07/2022

scandre1@hotmail.com

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