Concernant les négociations sur le nucléaire avec l’Iran, j’écrivais dans mon article « Le suprématisme états-unien et le dilemme de Thucydide : le choix d’une fuite en avant meurtrière. » que
« Les atermoiements actuels de Biden, sans préjuger de ses intentions durant sa campagne électorale, n’ont nullement pour but, dans le contexte actuel, la signature d’un accord mais de pousser l’Iran à la faute et le tenir pour responsable de la suite des événements… »
Après le satisfecit ces derniers jours de l’Europe à l’égard de l’Iran, les déclarations « optimistes » suite au texte final présenté par l’Union européenne et les « réponses raisonnables de l’Iran », puis les « réponses raisonnables de l’Iran et des États-Unis », selon les mots de Borel lui-même, voilà que Biden lève le masque et accuse l’Iran de manque de sérieux, suivi par l’Allemagne et Angleterre en tête et, à leur suite, la France.
Disons-le clairement, si l’Union européenne ne prend pas la décision officielle et ferme de mettre en œuvre l’accord sur le nucléaire, informe les États-Unis qu’elle suspend ses sanctions contre l’Iran, qu’elle refuse dorénavant de se soumettre aux sanctions américaines et à leur loi extraterritoriale quitte à se présenter devant les tribunaux américains et/ou à prendre des mesures de rétorsion systématiques et proportionnées, les possibilités d’un accord sont proches de zéro.
Les États-Unis veulent la guerre et les foyers de tension, en Europe, au Proche et Moyen-Orient et dans le Pacifique (et pourquoi pas demain en Arctique et en Afrique, ce qui est devenu tout à fait plausible si l’on observe bien les circonvolutions et manœuvres discrètes, voire « innocentes » ou prétendument négligeables ou honorables de certains de ses dirigeants. Il suffit de se référer au Traité de la CEDEAO avec l’OTAN pour l’étude sur le changement climatique (sic !) accolé de la lutte contre le terrorisme et autres multiples invitations à des réunions de sécurité et autres gestes …)
C’est le seul moyen dont ils disposent pour réaffirmer leur suprématie, et cela passe d’abord par la mise sous coupe réglée de l’Europe, ce qui est déjà fait, tant les dirigeants européens ont été réduits, par Ukraine interposée, à un statut qui navigue entre la serpillière et le porte-serviette. Et ils en sont fiers, comme tout croyant est fier de servir Dieu, comme tout esclave qui a bien intériorisé son statut d’esclave est fier d’accompagner son propriétaire, comme tout tirailleur est fier de servir de chair à canon à son colonisateur pour aller soumettre et conquérir son voisin et semblable. Et quand les États-Unis sont devenus le Seigneur et Maître ….
Plus aigu et imminent encore est le potentiel d’explosion au Proche-Orient, avec la déstabilisation systémique de l’Irak, l’occupation d’une partie de la Syrie et enfin l’étranglement économique du Liban couronné aujourd’hui par l’enjeu de l’exploitation des gisements de gaz et/ou de pétrole dans les zones maritimes qui séparent le Liban, Israël et Gaza.
Concernant plus précisément Israël et le Liban, nous assistons depuis près d’un an, sinon plus, à un ballet de négociations, de sourires, de déclarations optimistes sur l’avancée des négociations, de détails à clarifier ou à noyer, de malentendus à lever, toutes techniques expérimentées et perfectionnées depuis bien longtemps pour isoler et détruire, petit morceau après petit morceau, les droits du peuple palestinien, et ensuite le peuple palestinien en tant que peuple et en tant que constitué d’êtres humains tout simplement, le tout enrobé bien sûr de belles phrases et des plus beaux et nobles sentiments, pour ne pas parler des sempiternelles valeurs démocratiques universelles à défendre et partager, sans oublier l’argent distribué et autres pourboires bien entendu.
Mais d’accord clair, précis et mis en œuvre effectivement, il n’y en aura point. Il y aura tout au mieux, à l’instar de la guerre d’usure, une négociation d’usure jusqu’à ce que le Liban se soumette ou qu’il y ait un passage à l’acte déclencheur volontaire par une mise en service de l’exploitation du gaz défini comme un casus belli explicite et affirmé ou un dérapage incontrôlé, provoqué ou non. Les suprématistes états-uniens n’en ont rien à faire des lignes rouges, seuls leurs intérêts comptent et le premier qui tire est l’agresseur et donc responsable. Ils ont le droit de t’écraser, ton seul droit en retour est de te plaindre et gémir. Et si tu as le malheur de te débattre et lui asséner un coup, tu deviens alors l’agresseur, l’être violent (et même le terroriste puisque c’est devenu le terme à la mode), et ton bourreau de se considérer en état défense s’octroyant conséquemment le droit démesuré de t’écraser, te violenter et te tourmenter selon un rapport et une durée inversement proportionnels à ta force et à la mesure de ton méfait. C’est ainsi agissaient les esclavagistes, qu’ont agi les colonialistes et continuent d’agir les suprématistes de tous bords et états-uniens en particulier. Pour ne citer que celles-là, rappelons les guerres de destruction massive contre le Vietnam, l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran lors de guerre Iran Iraq sans parler du blocus total de ce pays depuis plus de quarante ans, Cuba sous blocus depuis plus de quatre vingts ans, le Yémen, et le peuple martyr entre tous, les Palestiniens, qui vivent un calvaire depuis un siècle et que s’acharnent à déstructurer, en tant que peuple, israéliens, européens et américains (les uns et les autres jouant le rôle de gentils et de méchants), comme on faisait déstructurer un corps au moyen-âge en Europe lorsque l’on était condamné au supplice de l’écartèlement.
Nous pourrions assister dans ces conditions soit à un conflit limité et circonscrit, soit très probablement à une guerre de longue durée. Dans ce dernier cas de figure, les Israéliens qui fuiront la guerre par dizaines et peut-être quelques centaines de milliers, seront progressivement remplacés par des milliers de mercenaires aguerris, y compris sortis des armées européennes et américaines. Cette guerre n’aurait alors aucun sens si elle n’impliquait pas étroitement la Syrie pour le Golan, ainsi que le peuple palestinien pour, enfin, la reconnaissance de ses droits, l’ensemble disposant d’une profondeur stratégique en terme de soutien massif, efficace et durable. Ce serait une erreur stratégique majeure de faire cavalier seul, car de l’autre côté, c’est à une coalition israélo-euro-américaine, sans parler des monarchies et autres dirigeants de la région, que le Hezbollah aura à faire face, sous la direction de l’OTAN et le concours des agences de sécurité privées américaines et européennes.
La presse européenne et américaine nous abreuve à longueur de journée sur la milice Wagner. Elle est d’un poids minime face aux entreprises de sécurité qui sont pléthore aux États-Unis et en Europe. Celles-ci ont des succursales partout dans le monde et participent étroitement à toutes les guerres actuelles. Depuis plusieurs décennies, il n’y a aucun pays africain, asiatique ou sud-américain où il n’y a pas une pléthore d’agences de sécurité de tous ordres. Ce sont toutes des milices, malgré leur appellation officielle et leur statut légal, pourvoyeuses de futurs combattants pour des guerres intérieures ou extérieures. Précisons l’étymologie de milice qui vient du latin militia qui veut dire service militaire, le dérivé miles signifiant soldat.
S’engager, pour les uns ou les autres, dans un processus de confrontation armée, devrait intégrer la forte probabilité d’une guerre longue à l’instar de ce qui se passe avec l’Ukraine. Rares sont ceux qui pensaient cette guerre possible. Une fois déclenchée, rares ont été ceux qui pensaient cette guerre durer. Et pourtant, elle a bien été déclenchée, elle dure et elle durera encore.
Trois options se posent qui, seules, peuvent arrêter cette marche inexorable vers cette catastrophe mondiale annoncée, l’Union européenne qui dirait enfin « Non » aux États-Unis, une mobilisation massive des peuples européens qui mettraient à bas leurs dirigeants ou à tout le moins leur imposeraient le retrait total de tout processus de guerre sous quelque forme que ce soit, ce que craint d’ailleurs par-dessus tout le Secrétaire général de l’OTAN, ou alors les États-Unis qui seraient massivement affectés par cette guerre, sur leur propre territoire, dans ses infrastructures, dans son économie et dans sa population. Les États-Unis se nourrissent très largement de cette guerre et de ces tensions tant sur les plans économique, financier, technologique que militaire. Ils sont convaincus, à raison, d’être à l’abri, dans leur forteresse, à des milliers de kilomètres de mer de ces guerres et tensions. Ils ont totalement intérêt à que celles-ci se poursuivent et se développent. Elles sont les conditions de leur suprématie et les instruments de leur puissance.
Le 11/09/2022
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